Bonsoir à tous !
Comme toujours, je sais que ce forum est ouvert aux expériences littéraires !
Alors je tente !
Après avoir longuement hésité entre un récit historique et la reprise de mes délires gnossiens, je me lance pour de bon dans un récit "à long terme". C'est un monde que je crée, où les connivences politiques et les intrigues militaires se mêleront dans un univers steampunk
Pour ceux qui me connaissent, ça va être un mélange entre
"La Menace du Stirland" et
"See you later Empereur" Très, très... très bonne lecture !
Le monde de Sépralis est un monde complexe et mystérieux, où peine à émerger une véritable organisation entre les différents États. Si la plupart sont pauvres ou n’ayant qu’une importance seulement locale, certains s’élèvent. C’est le cas de Baptorel, de Constantinne, de Metterbrünn, mais surtout de Dran-Thelor, le puissant Triumvirat, situé au nord du désert de Maraen. Dirigé par trois Triumvirs, archiducs d’un conglomérat de duchés, de comtés et de baronnies, on ne peut parler que d’un État tricéphal, tant les différences sont profondes entre chacune des trois provinces. Si les divisions se font sentir à la tête de ces royaumes et empires, elles sont également présentes parmi le bas peuple. L’aristocratie domine encore une masse paysanne, devenant de plus en plus prolétarienne avec l’arrivée massive des nouvelles technologies. L’écart entre les campagnes et les villes est terrifiant. Aux forêts vierges de tout progrès, les cités s’établissent en quartier tous plus modernes les uns que les autres, faisant appel aux puissances de la vapeur, du charbon, de l’engrenage et de l’électricité. Le peuple lui-même n’est pas homogène. Trois races s’imposent en Sépralis : les humains, les terifels et les tsilss. Les premiers sont les plus nombreux et les plus communs, faisant preuve d’une remarquable faculté d’adaptation. Les seconds sont les descendants des anciens elfes, ayant hérité de leurs particularités physiques et y ajoutant leurs yeux noirs et leurs peaux gris-bleu. Les troisièmes sont des reptiles élancés et gracieux, garnis d’écailles et d’une queue faisant objet de toute leur attention. Bien sûr, à ces trois races, il existe des genres. La plupart des pays de ce monde ne se revendiquent que d’une seule espèce, mais les grandes puissances savent compter sur les talents de chacune. Ainsi, Dran-Thelor les favorise toutes trois.
Dran-Thelor est le centre de Hiénilos, cet immense continent qui forme presque la totalité de Sépralis. Ses trois archiduchés, Eltaj, Ryendul et Treföne, ont des spécificités distinctes, et des ambitions propres. Si le traité d’alliance de 2879, date à laquelle l’Empire a laissé place au Triumvirat, oblige ces provinces à s’unir, elles jouissent d’une indépendance de fait.
Parmi eux, Ryendul fait office de principal rival à Eltaj. Si l’archiduc Hranel le Haut ne peut faire valoir un commerce équivalent à celui de l’archiduchesse Fidulii l’Élégante, il règne en revanche sur une province militarisée au possible et ne connaissant pas les maux de la division. Certes, l’organisation ducale existe, mais le sentiment d’unité est soutenu par celui de la jalousie. Autrefois sanctuaire impériale, le Ryendul cherche à se distinguer en déployant sur le continent de grandes armées extrêmement bien équipées. Depuis maintenant quelques années, et plus exactement, depuis 3546, la politique générale se tourne vers l’accompagnement des « petits États ». En vérité, c’est un système colonial qui s’instaure, et ce dans le but de donner l’avantage à Tranniae, capitale du Ryendul, au sein du Triumvirat.***
Un officier était vautré sur le fauteuil de l'hôtel « de la gare ». Il se trouvait dans la salle de réception, et ne prêtait aucune attention aux allers et venues. Il se contentait simplement de fixer le plafond, sa tête se balançant au son de ses écouteurs, si énormes que l’on se moquait avec une pointe de jalousie de ceux qui avaient eu la chance, et les moyens, de s’offrir un tel appareil. Les engrenages tournaient, entraînant avec eux tant d’autres, au son d’une mélodie que l’heureux bénéficiaire se plaisait à écouter ou à entendre, tantôt subjugué, tantôt lassé. Les passants, surpris et parfois choqués qu’un homme portant l’uniforme puisse se comporter ainsi, ne le reconnaissaient pas. Pourtant, sa fine allure, son beau visage, encadré par une longue chevelure blonde, et même son attitude avaient fait l’objet de tout les journaux. Ses bottes de cavalier ne laissaient aucun doute quant au corps militaire auquel il appartenait. Allongé de travers, la main posée sur son sabre encore rangé, le bicorne coiffant son genoux, il ne voulait pas tourner la tête. Le soleil de cette fin de matinée était agressif, et il en avait assez de lutter. Pas cette fois. Il fixait le plafond. Il s’amusait à repérer les petits détails de cette peinture montrant le Triumvir Hranel le Haut, avançant sur un char de lumière, avec pour aurige un ange couronné des feuilles de la destinée. Il y en avait tout autour, son aura perçant les nuages et les cieux, mais ce qui plaisait le plus à ce jeune gradé était toutes les expressions de ces êtres divins. Une bonne part était éblouie, l’autre s’inclinait. Mais il y en avait un qui suscitait tout particulièrement son intérêt. Il riait. La scène ne prêtait pas au comique. Pourquoi riait-il ?
-Qu’est-ce que… ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
L’officier n’entendait pas. Du moins, il n’allait pas interrompre le superbe solo Dennis Record, le guitariste des
« þitch þoïd ». Jusqu’à ce que l’individu perturbateur exécute de lui-même le geste fatal : l’optimisation du contact entre l’index et le bouton
« Stop ».
-Eh ! Mais t’abuse !
-Qu’est-ce tu fais ici ? Et t’es toujours à écouter ce truc de Constantinne…
-Oh, eh oh, tu vas pas commencer à m’les briser, hein !
-Mais qu’est-ce tu fiches là ?
-J’me repose, j’en ai plein les pattes.
-T’as ta permission ?
-Ch’ais pas. J’devrais la mériter.
-Allez, vas-y, raconte t’la toi. Ça t’amuse de me suivre ?
-Meuuuuh, non, euh, je te suivais pas !
-C’est ça…
-Eh, t’apprendras que j’ai pas besoin de suivre, moi ! On m’admire, on m’adule !
-Tu parles ! Y’a pas un péquenaud dans cette ville qui te connaît !
-Attendons mon retour à Sainte-Fist, j’te parie que le Triumvir lui-même viendra me filer une médaille !
-Redescends de ton nuage, Maximiliàn, redescends, va…
-N’empêche que j’suis une vedette !
-T’entends ce que je dis ?
-Non, t’es jaloux. C’tout. Tu peux pas test.
-Tu sais quoi ? Va te faire.
L’individu s’en alla. Lui aussi portait l’uniforme. Le même que celui de Maximiliàn. Noir, à galons argentés, et à nœuds bleus et blancs. Il avait simplement une médaille de moins. Et portait des chaussures.
-Eh ! Attends !
Maximiliàn bondit du fauteuil, mit son bicorne, son baladeur sur la nuque et se dépêcha de rejoindre son ami, juste avant que la porte tambour ne puisse le laisser passer.
-Allez ! C’est bon, tu vas pas m’en chier une pendule parce que j’ai rigolé !
Il continuait sa route, sans prêter attention.
La rue s’agitait. Chacun vaquait à ses occupations, à son travail. Les soldats patrouillaient de nouveau, et le commerce avait repris. Cette ville de Quitilogne, au doux nom de Nodblä, avait fait l’objet d’un partenariat particulièrement actif avec le Triumvirat, et plus exactement avec l’archiduché de Ryendul. Et la technologie avait envahi la cité. Les mécanismes à vapeur avaient pris place. Si l’église avait été entièrement équipée des derniers engrenages, il y avait aussi l’éclairage électrique, les cabines téléphoniques, le chemin de fer, les automates aux services des citadins, et tant encore. Même si l’on n’apercevait pas les si caractéristiques zeppelins, il ne faisait aucun doute qu’il ne tarderait pas à cacher le soleil de leur masse d’ici quelques semaines.
L’armée triumvirale de Ryendul avait décidé de réagir face aux attaques lancées depuis l’Arie contre la Quitilogne, nuisant gravement aux intérêts de ses duchés. Deux divisions entières avaient été dépêchées. Le calme devait revenir au plus vite, et même si la présence militaire ne faisait que lutter contre les effets et non contre la cause, la tranquillité était nécessaire pour que la bonne coopération entre les monarques puissent perdurer.
D’où la présence de ces jeunes officiers.
-Bon, je m’excuse ! Je m’excuse !
-Ça se dit pas, « je m’excuse ».
-Fais pas le malin !
-C’est comme tu veux, si tu veux continuer à dire des inepties…
-Eh ho ! Pas bientôt fini ?
-Oui, pardon. Excuse moi.
-Ça a été avec ta mère ?
-Même par téléphone, elle trouve le moyen de me harceler !
-Tu lui avais pas envoyé un télégraphe ?
-Si, mais y’a deux jours maintenant ! Je sais pas comment elle a fait, elle a su qu’on était à Nodblä.
-J’te dis pas la facture entre Starendorel et ici !
-Ce n’est pas ça qui l’arrêterait…
-Et tu t’es fait incendier ?
-Tout juste.
-Mais… comment… ? Je veux dire, trouver la ville, d’accord, mais te trouver, toi !
-Pas compliqué. Elle a appelé l’hôtel, exigé qu’on lui passe le directeur, et celui-ci en entendant mon nom de famille s’est empressé d’aller trouver mon capitaine.
-Ouh ! C’est Hordard qui est venu te chercher ?
-Et devant toute la troupe !
-Et… ça va ?
-Ça ira pas.
-Et c’est quoi le nouvel accord entre toi et ta mère ?
-Comment ça ?
-Y’a toujours une nouvelle procédure diplomatique entre vous deux !
-Ah… ben, comme toujours, si je l’appelle pas une fois par jour, elle me retire les vivres.
-Oui, comme toujours. C’est pas que la solde qu’on nous file soit tip top, mais ça te permettrait pas de vivre normalement ?
-Ah non, désolé. On en a déjà parlé. Je pourrais pas vivre sans.
-Tu crois pas que… hein ?
-Quoi ?
-On est logé, lavé, nourri. Même avec les frais du groupe, je m’en sors plutôt bien !
-Ouais, enfin, toi, t’as pas les mêmes soucis… ici, j’ai pas le choix !
-Rapport à ton père ?
-J’y peux rien…
-Pas n’importe qui le papounet, aussi.
-Oui. Comme tu dis. Et ton groupe de musique, ça va ?
-Ça avance. On bosse sur la troisième du disque.
-Ah, bien ! Tu sais que j’adore « Tic-tac » !
-Attends la suite !
-Un concert ?
-Ça, ‘faut attendre l’autorisation du général de brigade ! Pour l’instant, tu vois, on essaye surtout de faire un truc bien, on essaye de pas s’emballer.
-N’empêche, c’est super ce que vous faîtes tout les trois.
-Ouais, Mayès est un peu chiant parfois, mais avec Teo, ‘cun soucis.
-Qu’est-ce qu’il a Mayès ?
-Ch’ais pas. La dernière fois, on s’est pris la tête sur qui devait chanter à tel moment. Tu vois, quand dans « Humanoïdes femelles », le passage où on ralentit, et que ça redémarre ?
-Oui, je vois. Continue.
-Le passage où moi je dis « Et qu’est-ce qu’elles disent ?! », eh ben Mayès, il m’a pris la tête pour que ça soit lui qui dise le « disent », comme quoi ça irait encore plus vite, mais ça rend pas du tout au son !
-Faut essayer.
-C’est ce que je t’ai dit, on a essayé ! C’est bidon, c’est tout.
Les deux amis arrivèrent sur une place que les militaires encadraient. Saluant les officiers, humains, tsilss et terifels bloquaient le passage à la population locale. Á l’intérieur de leur cercle, des ouvriers s’activaient afin de réaliser un de ces phares urbains. La nuit tombée, ils devaient éclairer le ciel d’une lumière particulière, donnant à toute la région un repère. Souvent critiqué comme aide aux insurgés dans le but de localiser la ville, ils aidaient avant tout aux armées du Ryendul, d’autant plus que les codes couleurs changeaient d’une cité à une autre plusieurs fois par heure, et que seuls les états-majors avaient la liste tenue secrète de ces changements. On ne comptait plus le nombre de raids désorganisés face à la vue dans le même horizon de ces immenses lumières, tantôt bleu électrique, tantôt orange feu, tantôt une autre encore. Peu utile au sein d’un relief, la géographie indiquant d’elle-même les lieux, elles trouvaient en revanche parfaitement leur subtilité dans un paysage aussi désertique que celui de la Quitilogne.
-Tu savais qu’ils en faisaient un, toi ?
-Ça devait bien finir par arriver. Tu connais une ville que l’on a investi sans que l’on en ait construit un ?
-Ça, merci, je savais ! Je demandais juste si tu avais entendu qu’on cherchait à s’en doter un aussi vite. Après tout, ça fait tout juste deux semaines que nous sommes à Nodblä.
-Il faudra demander à Mèzehn, je suppose.
-Je crois qu’il travaillait sur un projet… je sais plus lequel…
-Dans quel domaine ?
-Artillerie. Quand même incroyable que ce tsilss arrive à être officier dans les deux !
-On pourrait le faire, nous aussi, si on était aussi insomniaque que lui.
-Bref, on lui demandera. Tu vas où là ?
-Je rentrais au camp, bien sûr. Où tu veux que j’aille ?
-Je sais pas, j’te demande !
-Et toi, tu vas où ?
-Je crois que j’ai un rendez-vous…
-Galant ?
-Non, non, non. Encore une séance photographique.
-Encore !
-Ouais, ben qu’est-ce tu veux, hein.
-Où ça ?
-Euuuuuh…
-T’as oublié ?
-Non, euh, j’ai momentanément égaré ça dans ma mémoire !
-Ben voyons ! T’as beau être devenu capitaine de cavalerie, tu es resté le même !
-Oui, bon ça va ! Je vais aller au camp demander au commandant…
-Sérieux ? Tu vas aller voir Roubhler, comme ça ?
-Tu veux que je demande à qui !
-Va plutôt voir le lieutenant-colonel !
-Mais c’est encore plus haut !
-Oui, mais c’est pas lui qui va te filer ta raclée !
-Quand tu dis le lieutenant-colonel, on est bien d’accord que tu parles de Denk-Mharz ?
-Non, non ! Ben non, voyons, celui de l’autre brigade ! Gros malin…
-Oh, ça va !
-Comment tu fais pour oublier ça ! C’est pas la première fois !
-Ça va j’t’ai dit ! Tu veux qu’on parle de ta mère ?
-Oui, enfin, non. Alors on a intérêt à se dépêcher, c’est pas tout près !
-Tu m’accompagnes ?
-Ben… oui.
-Merci, mon vieux. Tu fais quoi, toi, c’t’aprèm ?
-J’ai des exercices à donner à ma compagnie.
-Encore une bonne après-midi !
-Pas mieux que de prendre la pose pour la presse militaire.
-Ouais… ah, j’y pense ! Tu viens ce soir ?
-Á la soirée ?
-Eh oui !
-Á la soirée organisée en ton honneur ?
-Héhé !
-Bah oui, je vais pas manquer ça.
-Tu n’as pas l’air tip top emballé… ?
-Tu sais ce que je pense de tout ça. Ils en font beaucoup. Tu le sais toi-même, ta manœuvre à la bataille n’était pas si exceptionnelle.
-J’ai rattrapé l’ennemi !
-Tu l’as même dit hier !
-Oui, bon… j’ai quand même assuré !
-Tu n’avais pas reçu l’ordre d’aller aussi loin.
-Eh ! Ben justement, j’ai eu le flair !
-T’as chargé tête dans le tas, toi et ton peloton ! Tu fais dans la reconnaissance !
Un silence s’ensuivit. Ils n’entendaient que le bruit de leurs pas sur les pavés, et le brouaha de la rue.
-Tu crois que je ne mérite pas d’être capitaine ?
-Je ne sais pas. On verra déjà si ce soir tu as les épaules assez larges pour avoir tes nouvelles épaulettes.