Voilà, une petit récit que je poste en ce moment à divers endroit.
Il cause d'un détail fluffique rarement abordé, la bataille pour Bilbali, entre les forces croisés de l'Empire (il y a plusieurs siècles) et les arabéens.
Je vous le soumet ici en espérant des commentaires.
Il aura peut être une suite, à voir. C'est aussi le fluff de mon armée arabéenne (qui a pour héros Wazir, Soliman, Aladin...).
Sierra sanglante
Les collines s’étendent à perte de vue dans la Sierra de l’Estalie Septentrionale, sur le plateau où est bâtie une ville aux maisons blanches à terrasses, parsemée de palais et de grands bâtiments à dômes.
Cette ville se nomme Bilbali.
Des remparts, la route part vers la plaine, bordée de champs et d’oliviers, dans un paysage de collines caillouteuses écrasées sous un soleil de plomb au ciel sans nuages.
Les marchands arabéens et les bergers estaliens reviennent vers la ville, avec l’air empressé des gens sur le point de tout perdre, poussant devant aux leurs mules ou leurs troupeaux.
Au loin, un nuage de poussière :
L’armée croisée arrive.
Les gens du sultan se sont déployés à quelques lieux de la ville, si bien que les paysans et les citadins peuvent suivre les mouvements de troupes des remparts.
Les émirs de l’armée se rassemblent sur une colline pour discuter sous la tente du sultan tandis que les corps de soldats prennent position ;
La cavalerie lourde des Ghûlams avance au son des flûtes, les archers montés et les chameliers se dispersent sur les flancs, les arbalétriers mamelouks apprêtent leurs palissades de défense et la garde du Sultan, les Janissaires d’Istrabul, se rangent aux côtés des sabreurs en attendant leur maître.
Sous la tente des officiers, le thé circule et les visages sont graves.
Le sultan Soliman, dans sa côte de mailles ouvragée, prend le premier la parole.
« L’heure est décisive, frères. Une puissante armée infidèle approche. Les hommes venus du Nord, amènent avec eux la guerre, et la misère.
Il y a bien longtemps que nous régnons sur cette région, mais il va nous falloir conserver aujourd’hui ces terres. »
Le sultan se tourne tour à tour vers les différents émirs : Ali, connu pour sa ferveur, et qui affiche un sourire confiant ; Aladin, surnommé l’arbalétrier, car il a l’honneur de porter l’arme du sultan ; Wazir, qui n’aime rien tant que faire souffrir ses victimes, et qui a comme à son habitude l’air de se réjouir de la situation ; Abdul Al Hazred, qui est versé dans les arts de la magie et a visité Irem dans le grand désert ; et bien d’autres encore.
Ils prennent chacun la parole pour manifester leur désir de chasser ces infidèles du pays qu’ils pensent leur, mais certains parmi les plus sages manifestent déjà leurs inquiétudes quant à la bataille à venir.
L’armée croisée est nombreuse, et motivée.
Le sultan est un homme âgé, mais il préfère ne pas tenir compte de ces conseils portant sur un report de la bataille. Il a foi en ses guerriers. Ses ancêtres ont déjà gagnés contre eux, et lui aussi. Même ses ennemis le reconnaissent comme un tacticien remarquable.
Et pourtant, il soupire pour lui-même en pensant à ces barbares qui vont sans nul doute piller cette ville, massacrer la population et brûler sa bibliothèque, sa chère bibliothèque…
Son armée doit en ce jour mettre fin à leurs ambitions et répandre leur sang sur cette terre.
Soliman sort de sa tente avec son état major pour organiser le campement quand un long appel modulé leur parvient, porté par l’air brûlant depuis les minarets des temples de Bilbali.
Tous les hommes s’agenouillent alors à l’endroit où ils se trouvent, dans un ensemble d’une parfaite discipline qu’aucun ordre humain n’aurait pu égaler, pour prier Ormazd.
C’est l’heure de la prière.
***
L’armée du Nord a dressée son camp près d’un petit ruisseau en contrebas, dans la vallée.
Les tentes blanches s’étendent telles une neige féerique parsemée de tâches colorées dans ce paysage à la sècheresse épuisante.
Les sentinelles chargées de surveiller le camp pendant la nuit se font amener de l’eau par de jeunes bergers tout en admirant les étendards qui flottent au dessus de la ville de toile.
Il y a là des ordres militants de l’Empire, qui étaient venus libérer cette contrée du joug de l’envahisseur. On distingue les bannières des Templiers et les couleurs d’un grand nombre de chevaliers venus chercher la gloire en se joignant à la croisade, car les ordres sont peu nombreux dans l’Empire.
Ici, les adeptes de Sigmar côtoient les montagnards locaux vénérant Myrmidia.
Peu importent les convictions, car tous ces cultes se sont unis contre l’ennemi commun, non pas l’hérétique mais l’envahisseur, celui dont la foi a marquée ces terres d’une façon que personne ne pourra oublier, et encore moins pardonner.
Qui sont ils, ces bretonniens venus avec leurs hommes d’armes depuis Vizcaya ?
Et ces impériaux arrogants, ou ces mercenaires des Principautés et de Tilée, qui aiment à chanter que peu leur importe le destin de l’Empire ?
Finalement, la liberté du peuple Estalien leur importe elle vraiment plus que les richesses légendaires des villes arabéennes ?
Qu’importe.
Ils sont tous là, venus des pays d’outre-mer, avec leurs idéaux clinquants et une admiration cachée mêlée de jalousie pour cette extraordinaire civilisation.
La frustration de voir leurs ennemis si civilisés alors qu’on les dépeignait comme des barbares allait être vengée dans le sang.
Un murmure court parmi les hommes exténués par la longue marche d’arrivée ; les ennemis prient leur dieu.
Comment peut on se prétendre fins et cultivés quand on n’admet dans les territoires conquis une seule divinité barbare ?
Les croisés des diverses nations qui ne sont pas occupés se mettent alors à prier à genoux dans un commun désir de lutter contre cette diabolique voix venue de la ville lointaine.
Le général et Grand Maître Maximilien venu avec ses mercenaires brutaux du Talabecland impérial discute en compagnie du meneur bretonnien, le duc Gilles de Guise, du Prince Mario Catena le tiléen, et de plusieurs commandants de contingents alliés.
Ensemble, ils élaborent des projets de reconquête : Alcezaro étant à eux, ils ont une tête de pont en Estalie.
Ils traverseraient les montagnes et reprendraient rapidement Borgas, Jaraiz, Deltro et finalement Magritta.
Se disputant comme de jeunes pages sur le partage de leurs futurs territoires et sur le sort qu’ils réservent à Jaffar, ils en viennent à une entente tacite.
Il suffit de gagner cette bataille.
C’était si simple…
Pourtant, le doute s’installe, rôde.
Les bretonniens sont confiants mais épuisés, les impériaux pragmatiques alors qu’ils n’ont que rarement combattu un tel adversaire, et les mercenaires n’hésitent pas à afficher leurs inquiétudes pour le lendemain.
Est-on bien payé quand on meurt ?
***
Au premier appel du Muezzin, l’armée Arabéenne se lève pour la prière.
Les Emirs partent rejoindre leurs troupes dans la volatile fraîcheur matinale, les hommes encore endormis prennent leurs armes, les janissaires pratiquent leurs ablutions et les cavaliers se mettent tranquillement en formations au son des tambours invisibles de la fanfare de guerre.
***
Le sol craquelé tremble sous le pas de quinze mille hommes et six mille chevaux.
L’armée du Nord se met pesamment en route, après que les différentes factions aient accomplis leurs rites finalement semblables dédiés à leurs diverses divinités.
La colonne passe le petit ruisseau et se dirige vers la plaine où attend tranquillement l’armée ennemie.
Au bord du chemin de terre, deux delhis sont allongés ; ils sont les provocateurs de l’armée ennemie venus apporter les demandes de rédition de la part du Sultan.
Ils semblent attendre dans une grotesque position courbée, les têtes séparées de leurs corps.
Il n’y aura pas de sommations.
***
La tension est palpable dans l’armée.
Les bannières frappées du Croissant, arborant les versés du livre sacré de Mulhaed al-Quyat, flottent dans le léger vent du matin.
La journée est bonne pour la guerre, proche du Solstice d’été sacré.
Les rangs impassibles des arabéens déployés en ordre de bataille observent de loin le nuage de poussière des croisés avançant, qui, à cette distance, paraissent des fourmis désorientées.
Désorientées et fatiguées. Ils ont dû se mettre en colonne et maintenant qu’ils avancent dans une chaleur étouffante, ils sont vulnérables.
Le Sultan Soliman, monté sur un pur-sang blanc et entouré de ses conseillers et gardes, n’a qu’à esquisser un geste nonchalant de la main pour que ses trente mille hommes se jettent dans la bataille.
***
Les chevaliers n’avaient pas prévu ça.
L’armée ennemie avance vers eux. Chameaux et chevaux chargent leurs flancs, tandis que plusieurs volées de flèches s’élèvent dans le ciel, formant un nuage noir et vrombissant rependant la terreur.
Elles retombent en fauchant les premiers rangs, traversant les mailles et les chaires avec facilité.
Les nombreux cris inhumains des blessés couvrent rapidement les ordres, alors que la cavalerie ennemie, à peine à quelques longueurs de là, allait fondre sur eux.
Mais elle n’engage pas directement le contact contre le mur de boucliers hâtivement formé ; les cavaliers rapides virent soudainement, libérant à courte portée des volées de flèches terribles.
Les arbalétriers des mamelouks et le reste de l’infanterie suivent, sortant du nuage de poussière en hurlant le nom du Dieu Unique.
Mais les piquiers tiléens, qui forment l’arrière garde croisée, arrivent alors sur le champ de bataille, et renforcent l’avant-garde en déroute, brisant une charge des chameliers grâce à leurs armes d’hast de vingt coudées.
Les piétons croisés profitent rapidement de cet avantage inespéré, se reformant en ligne et avançant résolument vers l’armée ennemie, leurs propres arbalétriers répondant à ceux des mamelouks.
Le son profond des trompes et l’approche du Grand Maître des chevaliers achève de réunir la plupart des fuyards.
***
La bataille n’aurait pas dû se passer comme ça.
Une simple charge aurait dû dérouter leur avant-garde, et tout cela aurait du se finir très vite. Beaucoup plus vite.
Accompagnant les émirs, le sultan avance dans les rangs avec a garde de Janissaires, vers la ligne d’affrontement.
Il sait que ceci n’est qu’une péripétie de la bataille. Il a foi, et la supériorité numérique de ses hommes est écrasante contre les ennemis encore dispersés.
***
L’efficacité imparable du mur de pique tiléen est dans une situation bloquée face aux troupes des émirs Ben Nazir et Aladin, qui peuvent opposer à leurs ennemis un grand nombre d’hommes fanatisés.
Le bois se brise, les blessés meurent dans des flots de sang.
On en vient aux mains, et ce sont les miséricordes qui achèvent finalement bon nombre de blessés.
Les hommes se marchent dessus. Cruelle ironie! On se met à quatre pour poignarder un cavalier tombé à terre, on tranche les tissus, protections bien inutiles.
Là, un arbalétrier tir, et le carreau désarçonne un chevalier avec violence. Il ne reverra jamais sa chère Bretonnie, le courageux Gilles.
Ici, c’est l’émir Ali qui est atteint par un mauvais coup de pique alors qu’il dirige l’assaut, les versets religieux peints sur son armure ne l’auront pas sauvés.
La magie des fils du désert est impuissante à renverser la bataille.
Les chevaliers chargent, élégants fers-vêtus des ordres ou bretonniens chamarrés. Elle s’enlise, non, elle enfonce l’aile droite arabéenne…
Une bouche à feu tonne chez les croisés, effet psychologique, on fuit devant elle, puis on se regroupe. Les servants sont tous abattus.
Les chevaliers menacent un moment le Sultan, mais la garde veille, et les Janissaires groupés autour de la bannière verte surmontée du poing d’or repoussent impitoyablement l’avancée croisée.
Un moment, les armées refluent, la bataille pourrait cesser pour cette journée, mais non, la folie emporte les hommes qui continuent à s’entretuer pendant des heures.
Cédant sous le nombre, le centre des croisés menés par le général Maximillien cède un moment. Les tiléens sont pris et massacrés, on les décapite sur place, le dispositif faibli.
Mais il ne rompt pas. Les chevaliers à pieds tiennent bon, à coup de marteaux et de haches, abrités derrières leurs boucliers et leurs chevaux morts, ils ne cessent de briser la déferlante ennemie.
Leurs homologues montés finissent de disperser les adversaires à leur gauche.
La panique se répand, on dit que le sultan est blessé, peut être mort.
On le voit, bien vivant il s’enfuit vers la ville. Les chevaliers ne le poursuivent pas. Ils tuent, écrasant les hommes de l’émir Aladin, faisant battre en retraite Wazir.
Des chameaux sans cavaliers courent, affolés. Des hommes compressent leurs blessures avec leurs bras, dans une futile tentative de survivre. Les carreaux volent, abattent les survivants, les irréguliers se dispersent, les coups d’épées se répètent, la piétaille estalienne taille en pièces les guerriers arabéens.
Des officiers mortellement blessés rampent encore alors qu’on les dépouille de leurs luxueuses étoffes, et les agonisants sous des tas de cadavres appellent désespérément au secours.
Maximilien pousse l’avantage avec ses chevaliers, il sent la victoire approcher.
***
La nuit est tombée sur le plateau, et les pillards de cadavres du soir ont désertés le champ de bataille. Même les cris des blessés s’étaient tus.
Une seule source de lumière éclaire la nuit sans lune, et ce sont les bâtiments en feu de Bilbali.
Si la population a bien acceptée les nouveaux maîtres de la ville, ils se sont conduits de façon très prévisible, pillant et brûlant la bibliothèque du sultan Soliman.
Ce dernier regarde la scène depuis une colline voisine.
Il annoncera cette défaite à Jaffar, et, de là, repartira avec bénéfices et droits pour lever une nouvelle armée.
Mais même ces promesses futures ne parviennent pas à consoler le sultan de la perte de cette ville – et de tous ses livres.
Le royaume arabéen de Tigarre tombera, sa femme est sûrement morte ou réduite en esclavage, ses temples brûlés et ses amis massacrés.
Il ne parvient pas à retenir les larmes de rages et de tristesse qui affluent à ces pensées.
Enfourchant son cheval, il part dans la nuit rejoindre sa garde qui attend derrière les oliviers.
Des jours sombres s’annoncent pour les prospères villes arabéennes.
Le Rat, alors?