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 Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)

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Gunther Von Uberst
Anton Ludenhof
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MessageSujet: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeMar 23 Aoû 2011 - 11:24

Bonjour à tous !

Petit prologue qui fera rappeler à quelques uns d'entre vous mon vieux récit "La Menace du Stirland". Pour l'essentiel, l'histoire décrira la bataille finale de ce long texte qui avait été un vrai petit feuilleton, avec une suite chaque dimanche. Ciel, quelle nostalgie !

Allez, lecture !





Galopant dans la plaine du Stirland, un cavalier ne cessait de presser sa monture à aller encore plus vite. Projetant sa figure aussi bien en avant qu’en arrière, ses yeux indiquaient clairement la peur qui l’habitait. Combien fois aurait-il simplement voulu les fermer, chasser cette vision d’horreur qui le hantait. Peinant à retenir ses propres gémissements terrifiés, il avait tout juste la force d’éperonner son cheval. Le cliquetis de son épée venant frapper ses étriers, le son caractéristique d’un galop effréné, et le vent, ce maudit vent glissant depuis les ténèbres, voilà ce qui agitait la douce prairie à l’heure où le calme s’y imposait d’ordinaire. La lune éclairait encore de tout son éclat les champs et les pâturages de la région, qui n’attendaient que l’aube pour apercevoir leurs tranquilles paysans décidés à y travailler. Cependant, inexorablement, de puissants et lourds nuages noirs se rapprochaient. Entraînés par ce vent mystique, ils ne tarderaient pas à avoir raison de cette dernière lueur. La nature n’y était pas insensible. Les hautes herbes se courbaient, les arbres pliaient, les volets des quelques masures délabrées claquaient. Tant de signes qui ne faisaient que confirmer ce qu’avait vu ce soldat.

Une armée venue tout droit des confins de la Sylvanie marchait sur le Stirland.

La terre sacrée des Asoborns, cette immense province dont la ruralité écrasait le moindre éveil intellectuel, allait de nouveau être confrontée à son angoisse perpétuelle. Bien que le comte Martin ait réussi à faire valoir ses droits sur les duchés de la Sylvanie lors de la battaile d’Hel Fenn de 2145, en terrassant de sa propre main le dernier des vampires, le terrible Mannfred von Carstein, jamais le Grand Comté n’avait pu faire entendre sa loi sur ces hameaux désolés et hantés par les pires abominations qui soient. Dès lors, sa partie orientale n’était plus qu’un affrontement éternel entre les quelques troupes d’infanteries et ces créatures, à la fois démons, bêtes et revenants.

De nouveau, il était certain que les baronnies vampiriques avient choisi de se rallier sous une même bannière. L’agitation n’avait pas été soudaine. Cela faisait déjà plusieurs mois que les guetteurs avaient observé des rassemblements. Des légions entières de squelettes marchaient au son des cors ensorcelés, et jamais les cieux n’avaient été aussi noirs. Des éclairs scintillants d’une lumière verte se lançaient dans un bal assourdissant, signe évident qu’une puissante magie était à l’œuvre.

Ces avertissements furent prirent très au sérieux dans les palais de la capitale.
Á Wurtbad, le comte-électeur Albérich Haupt-Anderssen avait pressé le Haut Commandement d’agir rapidement face à cette menace venue d’outre-tombe. Si auparavant celle-ci n’était le fruit que d’une rumeur, elle fut rapidement confirmée par de nouveaux rapports. Le pire était à craindre. Les mains tremblantes, le regard affolé, le jeune suzerain demanda au commandant suprême de ses armées de prendre la tête des opérations. Souriant à cette mission, le plus grands des officiers du Stirland fit exécuter sans plus attendre les premiers ordres veillant à la mobilisation des troupes, premiers d’une très longue série.

Anton Ludenhof, ce prince aux ambitions démesurées, tenait là une chance d’asseoir encore un peu plus son pouvoir dans les plus hautes instances de la province. L’influence qu’il avait sur les ministres, les émissaires, les conseillers, jusqu’au plus petit aristocrate, était telle que cela faisait bien longtemps que la famille électrice ne prenait plus la moindre décision sans en avoir eu préalablement son consentement. Cet homme de génie, aux stratégies innovantes, à la pensée militaire révolutionnaire, mêlait autant de bravoure que de détermination à atteindre ses buts, qui, s’ils n’étaient que le fruit d’un esprit arriviste, servaient toutefois avec la plus grande des ardeurs la défense du Grand Comté.

Et c’était lui qu’il fallait à tout prix avertir.

Soudain, un loup sortit du bois. Le cri qu’il poussa manqua de peu faire chuter le cavalier, sa monture s’emballant à ce son strident.

-Allez ! Fonce ! Mais fonce ! hurla-t-il, essayant de donner du courage aussi bien à lui qu’à son coursier.

Encore un coup d’étrier, inutile tant l’animal gémissait de peur. Il pouvait sentir l’odeur nauséabonde de cet être qui se rapprochait. Le loup n’était qu’une silhouette, et pourtant, le bruit de ses pas résonnait dans l’esprit du pauvre éclaireur. Il eut alors la mauvaise idée de se retourner.

Ces yeux. Ces yeux de braise qui exprimait une haine sans nom envers la vie. L’espace d’un instant, le soldat fut comme tétanisé par une telle vision.

Les grognements se rapprochaient.

Et une seconde créature sortit des ténèbres.

-Mais… putain ! C’est pas vrai !

Le cavalier n’avait pas d’autre espoir que d’attendre la forteresse de Leicheberg, le dernier bastion du Stirland face à son effrayant voisin. C’était là que l’armée du commandant suprême s’était installée. Anton Ludenhof attendait le retour de ses éclaireurs.

Il ne lui restait que quelques lieues à traverser. C’était déjà un exploit d’être arrivé jusque là. Le passage par les collines hantées était le plus court, mais également le plus périlleux. Le Stirlander n’avait alors jamais combattu de goules. C’était chose faîte. Lui et son cheval en étaient ressortis indemnes. Oui, c’était déjà un exploit. Certains diraient même un miracle. Mais il semblait évident désormais que sa route n’en serait pas plus tranquille.

Ils se rapprochaient. Quoique le coursier puisse faire, et ce alors qu’il mettait toutes ses forces à tenter de les distancer, la terreur le poussant encore et toujours à galoper d’avantage, ils se rapprochaient.

Tout à coup, un autre cri se fit entendre. Plus strident encore.
Le cavalier eut tout juste le temps de voir cette chose difforme fendre les airs, la gueule pleine de crocs et le regard aussi embrasée que les autres monstres. S’étant jeter à terre in extremis, la créature s’acharna sur l’encolure du cheval.

Le soldat percuta violemment le sol.

La vision de son cher compagnon, lui-aussi à terre, se débattant inutilement contre la férocité de cette chose le fit se relever, malgré sa douleur.

Les deux loups n’étaient plus très loin.

Dégainant son épée, il chargea l’immonde créature.

-Asoborns ! cria le soldat, appelant ainsi le soutien divin de Freya.

Le monstre avait de gigantesques ailes déchirées, et ne pouvait attaquer qu’en faisant des petits bonds, ou en s’agrippant à sa proie. Les cris du cheval sonnaient comme des appels à l’aide pour le jeune éclaireur. D’un trait de lame, il débarrassa son ami de cette chauve-souris, celle-ci gargouillant dans ce qui lui restait de sang. Le cavalier continua son office en la piétinant, accablé par l’angoisse et le chagrin.

En ayant terminé avec cette horreur, il se mit aux côtés du coursier. Celui-ci s’était redressé, et ne savait que faire. Il partait dans telle direction au triple galop, avant de revenir, puis de se cabrer, avant de repartir à nouveau. Enfin, le Stirlander se saisit des rennes, força l’animal à le regarder droit dans les yeux et s’écria d’un vive « Ho ! ». Le cheval s’arrêta. Il était loin d’être calmé, mais au moins, son maître pouvait inspecter sa blessure. Il fallait faire vite. Les deux monstres n’étaient plus très loin. Peinant à y voir clairement, la lune s’étant effacée de moitié, il remarqua toutefois que la plaie n’était pas profonde. Du sang saignait abondamment, mais c’était sans importance. Enfin, il n’y avait pas le temps pour hésiter. Bondissant sur la selle, il pria de toutes ses forces Taal d’aider ce courageux destrier à continuer sa route.

Á l’énième cri d’un des loups, le galop reprit de plus belle.

Néanmoins, il était trop tard. Ces monstres allaient les rattraper. Cette maudite chauve-souris leur avait fait perdre la maigre avance qu’ils avaient sur eux. C’était l’affaire de quelques instants seulement. L’éclaireur pouvait d’ores et déjà discerner les crocs qui s’acharneraient sous peu sur son cou.

-Sigmar… par pitié… ! gémit-il, ne sachant que faire d’autre.

Une idée lui traversa alors l’esprit. Lors de son premier passage sur ces terres, n’y avait-il pas une petite rivière, affluent du Stir ? Oui, il y avait bien le bachheld qui coulait non loin. C’était un projet désespéré que d’essayer de l’attendre avant les loups dont la vélocité ne faisait aucun doute. Et rien n’assurait que l’eau empêcherait ces monstres de continuer dans leur funeste entreprise. La rivière devait se trouver quelque part. Se repérant à la lune, le cavalier fit diriger vers le sud-est sa monture. Les loups n’étaient plus qu’à quelques pas de lui. Que faire ? Par les Dieux, mais que faire ? Était-ce là la fin ? Non, il devait atteindre cette rivière. Pas simplement pour sa vie. De sa survie dépendait l’avenir de toute la province, voir de l’Empire.

-Aidez-moi… ! Par pitié !

Sa prière fut entendue.

Quelque chose apparut, sortant d’un des champs. Aucun doute. C’était bien un autre cavalier. L’éclaireur put distinguer que sa monture était alezane… était-ce… ?

-Pour le comte ! hurla celui qui avait des allures de sauveur.

Sabre au clair, un long pistolet fermement tenu, une détonation fit grand bruit. La fumée de la poudre renforça son aura héroïque.

Mais le coup avait été tiré à côté.

Un des loups se précipita sur lui. Au cri qu’il avait lancé, il ne pouvait s’agir que de Markus Lied.

-Sigmar, merci !

Il fallait lui venir en aide.
Ayant tout juste eu le temps de mettre pied à terre, Lied se tenait prêt à recevoir la charge de la féroce créature. En un coup de coude, il envoya son cheval en retrait.

-Ah, mais bordel ! cria-t-il, esquivant de justesse la première attaque maladroite du loup. Et dis moi, l’ami… eh ! Eh ! Edmund ! T’aurais pas l’intention d’m’aider ?!

Se retournant dans sa fuite en entendant cet appel, ledit Edmund fut jeté au sol.

La bête était sur lui. La gueule grognant de rage, elle prit une dernière seconde avant de s’abattre sur sa gorge. C’était sans compter l’incroyable fidélité du destrier. Prenant appui sur ses membres antérieurs, il l’envoya valdinguer. La bête sonnée, Edmund en profita pour porter la main à son fourreau. L’épée n’y était plus. Dans sa chute, la ceinture avait cédé.

-Putain, elle est où ?

Pendant ce temps, Markus tenait bon face à la créature des ténèbres. Il avait compris qu’elle n’attaquait qu’en se jetant en avant, et si les sauts étaient puissants, il parvenait encore à anticiper ses attaques. Durant ce face à face où il ne pouvait qu’éviter son agile adversaire, Lied remarqua qu’il ne s’agissait pas d’un loup comme les autres. Certes, son regard laissait croire à quelque malédiction. Mais jamais il n’aurait cru devoir affronter une telle horreur. Des lambeaux de chair pendaient de part et d’autres de cette chose, la bête était couverte d’un poil moisi, et par endroit, il était teinté d’un rouge sombre que seuls les quelques rares éclats de la lune faisaient refléter. Il aurait pu croire que ce n’était que du sang coagulé. Non, il était frais. Et cette créature semblait pourtant être exsangue. L’éclaireur eut une sombre pensée. Qu’était-il arrivé aux autres cavaliers envoyés en reconnaissance ? Son frère aîné était avec eux.

C’était donc ça, un loup funeste…

Ayant enfin retrouvé sa lame, Edmund guettait le monstre. Il s’était relevé. Désormais, il prenait plaisir à tourner autour de sa victime. Comme Markus, le jeune cavalier avait envoyé sa monture se mettre à l’abri. Il lui devait déjà beaucoup, et il était hors de question de risquer une fois de plus la vie de son compagnon. De toute manière, c’était bien de la vitesse de son destrier que dépendait sa propre survie. Il fallait faire vite. D’autres créatures devaient être en approche. Et derrière elles, la terrible armée qui s’avançait inexorablement vers l’intérieur du Stirland. Décidé à chasser de pareils songes, Edmund attaqua. Tentant une passe d’arme grossière, alourdie par la peur qui faisait trembler tous ses membres, le loup ne se contenta pas de parer une telle attaque. Il s’était saisi pleinement de l’épée du soldat, et d’un coup sec, la brisa.

-Oh… pu… tain…

Grognant de joie, le loup gratta le sol de ses pattes. Le festin était dressé.

Tout à coup, il reçut quelque chose dans son cou. Lançant un cri plaintif mêlé d’incompréhension, il tourna la tête sur le côté. Une nouvelle fumée blanche entourait la figure endiablée de Markus, la botte posée triomphalement sur la bête qu’il venait d’occire.

-Euh…
-Bon, s’rait p’tètre temps de se magner le fondement ? Qu’est-ce t’en penses l’ami Fritz ?
-Oui. Je… J’te suis !

Les deux cavaliers se précipitèrent vers leurs montures. Dans leur course, Edmund adressa un regard plein de gratitude envers Markus.

-Ouais… je sais, t’inquiète.



Anton ! Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 3397943904

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Gunther Von Uberst
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeVen 26 Aoû 2011 - 11:37

J'ai lu la Menace du Stir.. Hum... Hem...land ? Stirland ? Pardon ça avait du mal à passé. Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 3397943904

C'était déjà un excellent récit. Ici, tu développes encore la qualité du texte et de l'histoire. Bravo à toi.

Petite remarque tout de même : l'éclaireur saute d'un cheval en pleine course, il est quand même balèze pour se relever.
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Thomov Le Poussiéreux
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeLun 29 Aoû 2011 - 13:30

Superbe, tout simplement!
La seule chose qui me fait quelque peu tiquer est le langage peu châtier des personnage... Ce n'est pas tant la grossièreté en elle-même qui pose problème, mais plutôt le fait que ces jurons font assez peu médiévaux.

Cela dit, je t'invite à poster ton texte également sur le riant forum des Comtes Vampires où il sera tout autant à sa place qu'ici.
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Tu verras, la section récits est en perpétuelle ébullition!
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Anton Ludenhof
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeJeu 1 Sep 2011 - 0:16

Suite !

Pour les discours un peu "modernes", c'est totalement assumé. Je ne pense pas que je le ferai tout le long du récit, mais ce côté rustique/décalé, me plait bien pour du Stirlander. Ça les rend tellement plus "crédible" !

Je m'inscris sur le forum alors, l'ami Thomov, hésite pas à leur dire que tu m'as invité Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 1428225354



***




Ayant bondi sur son cheval, Edmund remarqua que celui-ci conservait ses oreilles baissées en arrière. L’animal sentait-il par là seulement cette atmosphère angoissante si palpable, ou bien l’approche d’une nouvelle créature ? Dans tous les cas, il n’y avait pas une minute à perdre. Même accompagné par Lied, le danger était toujours présent. Leurs vies étaient en jeu.

-Leicheberg, c’est par là ! indiqua Markus, pointant du doigt l’ouest.
-Oui, mais ça serait passer par la plaine.
-Et ?
-Il y a une rivière, un ruisseau, je sais plus, le bachheln.
-Il se jette pas dans le Stir c’lui là ?
-Si.
-Alors il passe forcément par la plaine, suivant le nord ! Bihst du Dumh ? lança Lied, terminant sa phrase en utilisant une expression typique d’un Stirlander qui s’assumait.
-Par le nord-ouest plus exactement. Bon bref, tu veux pas tenter de le traverser ?
-Tu crois que ça pourrait les ralentir ?
-Au moins les perdre à l’odeur, supposa Edmund, essayant de rassurer son destrier.
-Hmmm…
-Bon, dans tous les cas, ‘faut se magner là ! Tu me suis ?
-Tu vas nous rallonger la route. Il faut prévenir Ludenhof, merde !
-On est pas prêt de l’avertir si on se fait buter par ces saloperies !
-Rha ! Merde, à la fin ! J’te suis !
-Yah ! cria Fritz, étalonnant son cheval, et filant vers le sud-ouest.

La lune avait disparu. Seules quelques étoiles qui n’allaient pas tarder à être aspirées par cette aura ténébreuse éclairaient encore faiblement la route des deux soldats. Bien sûr, il aurait été beaucoup trop dangereux d’allumer des torches. D’ailleurs, avant même de partir, tous les éclaireurs avaient daigné de prendre la moindre lanterne. Ils étaient entraînés à voir dans l’obscurité. Néanmoins, le manque de visibilité restait une gêne terriblement contraignante, qui ne faisait qu’exacerber leur angoisse. Par où arriverait leur prochain adversaire ? Que discerner de l’avancée des troupes ennemies ? Étaient-ils bien sûr de l’orientation qu’ils avaient prise ? Tant de questions qui ne pouvaient espérer trouver une réponse. A cette nuit qui engouffrait tout, se mêlait désormais un léger brouillard. Pour le moment, il ne faisait que caresser le sol, empêchant seulement les deux cavaliers de voir les sabots de leurs montures respectives, mais ils savaient que sous peu, il allait se relever, se redresser, à la manière de ceux dont il annonçait la venue. Markus et Edmund devaient se diriger à l’ouïe. Encore fallait-il qu’un son puisse leur parvenir, déjà qu’ils peinaient à entendre autre chose que le galop des chevaux. Ils ne pouvaient penser à rien d’autre. Ils étaient absorbés par ce qui les entourait. Tant que le ruisseau n’était pas en vue, ils étaient condamnés.

Âmes damnées en fuite, que pouvait-il bien leur rester, si ce n’était l’espoir, au moins le devoir.

Enfin, le bruit d’un cours d’eau se fit entendre. Fritz ne s’était pas trompé. Quelques instants plus tard, les chevaux s’arrêtèrent brusquement. Le brouillard monté jusqu’aux jambes des cavaliers, le ruisseau n’était pas visible.

-Eh merde ! Comment on sait si on traverse à gué ?
-Ah ben… y’a pas trente-six solutions… !

Edmund fit avancer avec peine son cheval. Il était terrorisé. Et ce n’était pas les coups d’étriers qui allaient changer quoique ce soit. Seules les paroles rassurantes de son maître purent lui faire faire quelques pas. L’eau était glaciale. Inhabituellement glaciale. Edmund pouvait la sentir, elle lui arrivait aux cuisses. Même au printemps, elle n’était pas censée atteindre une telle température. Quelque chose de maléfique devait se passer près de sa source. Ce fut à ce moment là qu’il s’aperçut que de la buée émanait de sa bouche. L’air ambiant était tout aussi froid. Après quelques maladresses, un sabot glissant sur une pierre, un sursaut inattendu de la part du cheval, ou des rennes serrées avec précipitation en ayant cru entendre un bruit, Fritz atteignit enfin l’autre rive.

-Allez, c’est bon ! Ramène-toi !

Même si Edmund ne put voir son ami entrer dans l’eau, il entendit clairement les pas de son destrier, et sur les protestations du cavalier.

-Rha, mais bordel… ! Elle est gelée !

Un bruit.
Cette fois, aucun doute.
Il y avait bien quelque chose.

Dégainant son épée, Edmund regarda frénétiquement aux alentours. Il ne pouvait voir qu’à quelques pas.

-T’as entendu ?
-Quoi ?
-J’crois qu’il y’a…

Un grognement.
Ce n’était pas celui d’un loup. Une puanteur comme jamais il n’en avait senti vint jusqu’à ses narines. Aussi immonde que fut cette odeur, elle lui indiqua la position de ce qui la dégageait. Il décida de mettre pied à terre. Le cheval s’éloigna un peu, confirmant par là la présence de la chose. Serrant son épée de toutes ses forces, Edmund fit preuve d’un immense courage en faisant le premier le pas. La petite marche qu’il entreprit était un exploit. La créature pouvait surgir de toutes parts. Où était-elle ?

La réponse n’allait pas tarder.

Quelque chose transperça la brume. Était-ce humain ? C’était beaucoup trop agile pour être un de ces morts-vivants qu’Edmund avait déjà eu l’occasion de voir. Ce monstre voûté, aux griffes et aux crocs acérés, avec toujours ce même regard de braise… c’était une goule.

Elle attaqua à nouveau. Poussant un cri de haine autant envers ce monstre qu’envers sa propre peur, il l’accueillit par un puissant coup de taille. Les griffes à un rien du visage de son adversaire, la goule s’effondra. Edmund eut du mal à reprendre sa respiration. Haletant, il se décida à terminer son office. Prudent, il se contenta de donner des coups maladroits. Frappant ce qui se trouvait à portée, il parvint à réduire en lambeaux la créature.

-Oh…
-T’arrive à temps.
-C’est quoi ce truc ?
-Une goule, répondit Fritz, allant chercher son coursier et essayant de dissimuler la peur qui l’habitait encore.
-Tu crois qu’il y en a d’autres des comme ça ?
-Tu crois que j’en sais quelque chose moi ? Dépêchons nous, tu veux ?

Et les deux cavaliers reprirent leurs routes, plus inquiets que jamais.

Cette fois, le brouillard était complet. Plus rien n’était visible. Ils étaient plongés dans une masse aux reflets bleutés, guettant chaque son, et perpétuellement rongé par une angoisse qui ne faisait que s’amplifiait. Une branche qui se cassait. Un caillou remué. Une feuille qui tremblait. Tout les pétrifiait.

-On est toujours dans la bonne direction ? Putain, on y voit rien !
-Ferme là ! Tu veux qu’ils viennent jusqu’à nous ! chuchota Edmund, recourbait sur son cheval.
-On va par où là alors ? reprit Markus, imitant son camarade.
-Á la louche, on continue tout droit.
-T’es sûr ?
-Qu’est-ce que tu veux que j’te dise ? On est censé tomber sur un village.
-Lequel ?
-Neuheim.
-Neu quoi ?
-Neuheim, bordel !
-Mouais…
-Quoi ?
-Si on était passé par la plaine… !
-… on serait mort ! Schnauzh ! siffla Edmund, s’en était retourné au dialecte du sud Stirland.
-Eh ho… non mais.

Fritz avait eu raison. Après une longue course, ils arrivèrent enfin au village. Ils ne pouvaient discerner qu’une maison après l’autre. Il n’y avait aucun signe de vie. C’était normal. Les habitants devaient être terrés chez eux. Décidés à s’accorder une courte pause, les deux cavaliers attachèrent leurs chevaux, non sans les avoir préalablement essayé inutilement de les rassurer.

-Je suis pas sûr qu’on est vraiment le temps pour ça…
-Attends, Fritz, tu permets ? J’ai pas posé mon cul depuis trois jours. On reste une heure, pas plus.
-Non, hors de question. Pas une heure. On a pas le temps !
-Bon, d’accord, « un peu moins » !
-Tu connais quelqu’un ici ?
-Non, mais on s’en fout, déclara Markus, frappant à la première porte venue.

Pas de réponse.

-Bon…
-Attends, j’essaye encore.
-Tu crois qu’ils vont t’ouvrir avec ce qu’il y a dehors ?
-‘va bien voir.

Toujours aucune réponse.

-Eh ho ! Y’a quelqu’un ?
-C’est bon, laisse tomber, on va voir à une autre maison.
-Mouais… louche quand même. Surveille les chevaux.
-J’y vais.

Edmund n’avait pas envie de contester l’autorité déplacée de Lied. Il savait qu’il ne fallait pas tenir compte de ses manières. Markus restait un soldat aussi loyal que téméraire. En pareille situation, sa présence était une bénédiction. Qu’il aille se reposer, Fritz n’aimait pas laisser les coursiers seuls. Il en profita pour regarder la blessure de son compagnon. Il n’y voyait pas grand-chose, même si la plaie semblait définitivement bénigne.

-Brave Innst, tu m’auras sauvé la vie plus d’une fois… fit le cavalier en caressant l’encolure du bel alezan.

Il y avait là aussi Kräfin, la jument de Markus. Agitée, elle n’avait pourtant perdu qu’un fer. Á cette pensée, Edmund se baissa pour voir l’état de ceux qu’il avait fixé quelques temps auparavant à Innst. Il ne lui en restait plus qu’un seul.

-Zo eihne Misst ! cracha-t-il, laissant parler à nouveau son patois.
-Quoi qu’y a ?
-J’ai perdu trois fers !
-Ah moche. Bon, y’a personne là-bas non plus.
-Euh… t’en déduis quoi ?
-Les habitants sont sans doute allés à se réfugier à Leicheberg.
-Ou… ?
-Ferme-la. ‘toute façon, on a qu’à rentrer.
-Ça va bien oui ?!
-C’est bon, j’ouvre la porte, j’prends du pain, on s’casse.
-Vas y, j’reste ici.
-J’te ramène quelque chose ?
-Ouais, trois fers.
-T’es con.

Markus s’éloigna. Il choisit de se rendre à la seconde maison. Elle lui semblait plus cossue. La porte était faîte d’un bois solide, mais le loquet ne résisterait certainement pas à sa dague. Sortant ladite arme de sa botte, il la glissa à travers la fente, et comme il l’espérait, la porte s’ouvrit. Accompagné d’un grincement d’agonie, le soldat pénétra dans la demeure. Comme il s’y attendait, elle n’avait pas d’étage. Si, il crut discerner une échelle, au sol. Sans doute pour aller au grenier. La pièce principale servait tout aussi bien de chambre, de cuisine que… de maison finalement. La pauvreté était accablante. De la paille, voilà ce qui recouvrait les quelques misérables planches de bois. Sur la table, une miche de pain.

-Attends… deux minutes là !

Ce n’était pas logique. Si les habitants avaient fui comme il le pensait, ils n’auraient pas oublié ce qui représentait un véritable festin pour tout paysan du Stirland oriental. Et cette échelle ? Pourquoi était-elle par terre ?

-Oh… purée. Edmund ? Edmund… ?

Dans les ténèbres du grenier, des yeux le fixaient. Des silhouettes se mouvaient. Des plaintes sourdes et discordantes peinaient à se faire entendre. Puis, l’odeur vint confirmer les craintes du cavalier. Faisant demi-tour, il se mit à courir comme jamais vers Fritz.

-Putain, putain, putain, putain, putain ! On dégage ! On fout le camp d’ici !
-Mais quoi ?
-Les hab… les habitants !
-Bordel, mais quoi ?!

Edmund n’avait encore jamais vu son ami dans un tel état. Qu’est-ce qu’il y avait de si grave.

-Putain, mon gars… ! Ils ont pas fui !
-Hein ?!
-Ils sont toujours là !

Á ces mots, une plainte similaire leur parvint. Derrière le rideau de brume qui masquait l’essentiel du village, des bruits de pas approchaient. Plusieurs êtres gémissaient.

-C’est quoi que tu as vu, par Sigmar ! Dis le moi !
-Des zombies.



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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeVen 2 Sep 2011 - 13:22

Ha! Les hordes titubantes des Comtes Vampires entrent en lice!
Une suite très plaisante; on est sous tension tout le temps et tu parviens bien à retranscrire l'état d'alarme des deux cavaliers.
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Vorn Thugenheim
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeVen 2 Sep 2011 - 13:49

Je viens de découvrir et franchement, j'adore Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 3397943904
J'attends la suite avec impatience!
Bravo!
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Anton Ludenhof
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeMer 7 Sep 2011 - 19:54

Suite !



Les silhouettes commencèrent à apparaître. Chancelantes, vacillantes, titubantes, elles se traînaient, les mains pointées vers ce qui pourrait combler leur appétit. Animées par un instinct de survie qui n’avait plus d’autres soucis que de se sustenter d’une manière ou d’une autre, leur marche semblait implacable. Les épaules allant de gauche à droite, la tête d’avant en arrière, elles ne quittaient pourtant pas des yeux les deux soldats. D’autres bruits. Il y en avait d’autres. Ils arrivaient par les côtés. Une tuile alla même se fracasser en contre bas. Il y en avait même sur les toits.

-Bon… une suggestion… ? demanda Edmund, reculant mécaniquement vers les chevaux.
-Il faut repasser la rivière !
-La goule de tout à l’heure ne pouvait pas être la seule. Il doit y en avoir des dizaines !
-Et tu préfères quoi ? Whas denkst du endlich ?! Faut partir d’ici !

Les morts-vivants avançaient. Ce n’était plus qu’une question de minutes avant qu’ils ne soient sur les pauvres Stirlanders.

-Glöb mir ! Y’a pas plus dangereux qu’une meute de goules… !
-Mais bordel ! Tu veux qu’on fasse quoi ? Tu crois qu’on va tenir ?
-Il faut continuer la route.
-La route, elle est bloquée, pauvre con ! Tu l’vois pas ?!
-Leicheberg est devant, répondit froidement Edmund.
-De… quoi ? Qu’est-ce tu dis ?

Fritz monta sur Innst. Curieusement, le cheval ne semblait pas tendu, seulement attentif. Il agitait néanmoins ses sabots, cherchant à faire comprendre à son maître qu’il était temps de partir. Edmund entendait lui donner raison.

-Il faut passer, cria-t-il, dégainant son épée.
-Tu te fous de moi là ?! répliqua Markus, montant sur sa jument.
-T’es avec moi ?

Le cercle de la non-vie se rapprochait…

-Attends… tu vas quand même pas… ?
-Gloire et honneur au Grand Comté ! hurla Edmund, éperonnant Innst.

Le coursier se cabra, et à toute vitesse, fila en direction des morts-vivants. Il y en avait plus que ne l’avait pensé le cavalier. D’instinct, le cheval sauta par-dessus la première ligne, Edmund ayant manqué de peu d’être désarçonné. Il se retrouvait maintenant entre ceux qui suivaient auparavant ceux qui se retournaient maintenant.

-Si. Il l’a fait. Yah !

Markus ordonna à sa monture de le rejoindre. Mais celle-ci n’eut pas le même courage qu’Innst, et chargea maladroitement les premiers zombies. Ce qui était censé être une fuite aussi véloce que précise tournait désormais à un corps à corps dont l’issue était fatale.

-Bordel ! T’en as d’autres des idées à la con comme ça ?!
-Ta gueule ! ne sut que répondre Edmund, trop occupé à transpercer de sa lame une énième abomination. Faut foutre le camp !
-Non, sans déconner ?! Tu crois ? Non parce qu’on peut servir de pique-nique si tu veux !

Presque simultanément, les deux chevaux prirent appui sur leurs membres antérieurs et flanquèrent un coup sec dans la masse de ces créatures. Plusieurs furent jetés à terre, les autres furent bousculés.

-Allez merde, on arrête tes conneries, et on dégage !

Edmund n’allait pas contester une proposition aussi clairvoyante.

De chaque ruelle, de chaque maison, de chaque porte, de chaque fenêtre, sortaient les villageois devenus des serviteurs de la non-vie. Il y avait des hommes, bien sûr, des fermiers et des palefreniers, mais également des femmes, et des enfants. Le cri d’effroi d’un bébé glaça le sang des cavaliers. La vision d’un soldat animé de la même sorcellerie leur fit vite comprendre que ce n’était pas le moment de s’attarder sur cette horrible vision. La mort n’était pas seulement ce qui les attendait s’ils se faisaient capturer, puis certainement dévorer. C’était bien une éternité d’asservissement, éloignés pour toujours de la lumière de Freya et de Sigmar.

-Putain, y’en a partout ! C’est pas vrai !

Markus avait raison. Les rues étaient envahies par ces êtres revenus de l’au-delà. Les éclaireurs se faufilaient comme ils pouvaient, tels des flèches transperçant un océan de décomposition et de putréfaction. Edmund nota tout ceci. Dans sa fuite, il comprit qu’il ne pouvait pas s’agir uniquement des habitants Neuheim. Il y en avait trop. Non, il s’agissait bel et bien d’une première offensive, visant à ratisser les villages environnant la citadelle de Leicheberg. L’armée qui était en mouvement ne souhaitait donc pas être ralentie. Par déduction, Edmund en conclut que celle-ci se déplaçait alors à toute vitesse. Mais il y avait quelque chose qui l’inquiétait beaucoup plus, ce qui n’était pas peu dire. Les cadavres qui griffaient Innst de leurs ongles crasseux étaient dans un état… inhabituel. Regardant de part et d’autre, esquivant tantôt ce qui sautait des toits aussi bien que ce qui se jetait sous son cheval, il ne put s’empêcher de constater que ces zombies étaient atteints d’un pourrissement tel qu’il ne pouvait être l’œuvre que d’une puissante magie. Il y avait au moins d’anciens habitants de Neuheim ici, c’était certain. Et il avait déjà vu des « serviteurs frais ». Ceux-là n’en étaient pas au point de ramasser leurs boyaux. De la nécromancie. Un de ces mages noirs avait fait abattre sa malédiction sur la malheureuse bourgade. Ce n’était pas un détail. Cela supposait que l’armée venue de Sylvanie pouvait éteindre l’étincelle de vie de toute une population locale afin de l’asservir sur l’instant. Ce n’était pas des corps relevés. Les habitants n’étaient pas morts au combat. Ils avaient dû se terrer chez eux, priant les Dieux de les épargner, les pères et les fils barricadant les portes, les mères et les filles rassurant tant bien que mal les enfants. Oui, les portes avaient été clouées ou bien cadenassées. Markus n’avait-il pas forcé la porte de la seconde maison ? Edmund ne pouvait pas se permettre de tomber ici. Ce qu’il venait d’apprendre, le commandant suprême devait impérativement le savoir. Les vampires avaient un atout contre la forteresse.

-Il doit le savoir !
-Hein ?
-Continue !

Mais c’était impossible. Les zombies s’étaient rassemblés. Ils bloquaient la sortie du village. Un d’eux, qui portait un uniforme et qui tenait fermement une torche d’une main et un pistolet dans l’autre, tira un coup de feu. La balle partit se loger dans le crâne d’un de ses homologues, celui-ci se retournant vers son supérieur, l’air hébété et contrarié. Les chevaux n’eurent d’autres choix que de s’arrêter. Le reste des morts-vivants refermaient lentement leurs arrières.

-Oh… putain.
-Non… non ! Il faut qu’on passe !
-On est foutu, fit Markus, descendant de sa jument.
-Qu’est-ce que tu fous ?!
-Ils ne m’auront pas facilement.

Ces mots avaient été prononcés avec le même regard de haine que celui qu’abhorraient ces créatures. C’était là le regard d’un Stirlander envers ce qui rongeait sa terre natale. Edmund le connaissait bien. L’épée à la main, il alla aux côtés de son ami. Les deux coursiers ne savaient que faire. Ils restaient finalement au plus près de leurs maîtres.

-Ce fut un honneur, Edmund.
-Pareil pour moi.
-On aurait dû prendre par la plaine.
-Oh… mais va te faire ! lança Fritz, s’accordant un sourire de désespoir.

Markus jeta un coup d’œil sur la vague qui arrivait depuis le centre du village. Elle était nettement plus nombreuse que ceux qui leur barraient la route. Mais ceux-là avaient établi une barricade. Non, il n’y avait aucun moyen de passer. Cordonnerie. Taverne. Entrepôt. Tannerie. Menuiserie. Tisseranderie… Tannerie ?

-Oh putain !

Markus fonça vers la tannerie. La porte était fermée, heureusement, elle n’était pas barricadée. Essayant de l’enfoncer de plusieurs coups de bottes, elle bloquait toujours l’accès. Edmund lui, eut à peine le temps de voir son camarade agir de la sorte.

-Wahs machst du dah ?!

La porte céda enfin. Elle tomba net à l’intérieur de la maison du tanneur. Markus se précipita à l’intérieur.

-Retiens les un moment !
-Ah… ! Ben ouais, pas de problème ! ironisa Fritz, pourtant très inquiet de l’avance des zombies.

Lied fouilla dans tout l’atelier. Ouvrant tonneaux et autres récipients, il était animé d’une réelle frénésie. Il y avait encore un espoir pour les deux hommes de s’en sortir. Encore un dernier.

-Mais putain, mais où elle est bordel de bordel de bordel de merde ?! Où tu l’as foutu, connard de tanneur !

Une plainte. Encore une.

-Ah mais non ! Pas maintenant !

Ledit tanneur était là. Il semblait sourire, tel un ahuri qui venait de piéger un copain.

Á l’extérieur, Edmund ne comprenait toujours pas ce que faisait Markus. Les deux chevaux restaient collés à lui. S’il tendait l’épée, il toucherait déjà un de ces monstres.

-Crève charogne ! hurla Lied une fois qu’il en eut fini avec le tanneur. Ah, c’que tu m’auras tanné toi !
-Eh connard, tu crois que c’est le moment de faire des calembours à deux ronds ?! cria Edmund, ayant entendu le jeu de mot de son ami.
-Retiens-les j’t’ai dit !
-Quand t’es comme ça, ça m’énerve ! cria encore Edmund Fritz.

Un dernier tonnelet. C’était le bon.

-Oh putain ! Je l’ai ! Je l’ai ! Par Sigmar, je l’ai ! Ah, mais ouvre toi bordel ! Ouvre toi !
-Et merde… Au nom du Stirland ! lança Edmund, décidant de s’engager dans le combat.

Il continua de s’encourager, de se donner le moindre espoir, à chaque coup qu’il donnait. En quelques passes d’armes, il avait déjà mis à terre une dizaine de ces zombies, mais ils étaient innombrables. Et cette fois, il ne fallait pas compter sur les deux chevaux.
Tout à coup, Markus se précipita dehors. Dans une danse furieuse, il répandit sur la masse mort-vivante le contenu du tonnelet. Même Edmund resta bouche bé en voyant le comportement du soldat.

-Euuuuuh… ?

Il ne fallait pas être un zombie pour parler leur langage.

-Á cheval ! Bordel à cheval ! hurla encore Markus, ayant fini de tout vider.

Sans réfléchir, et profitant de l’incompréhension des cadavres, Edmund obéit.

-Attention ! On y va mon gars ! On fonce !
-Hein ?!
-Au nom du comte !

L’épée au clair, il décapita d’un revers splendide le chef des morts-vivants. L’instant d’après, il en était déjà à se dépêtrer de cet ensemble purulent. Fritz en fit autant, sans comprendre.

Il obtint enfin sa réponse en voyant les zombies s’enflammer. Markus était un génie.

Toutes ces abominations se transformèrent en véritables torches. Il n’en fallut pas plus pour affoler les chevaux et leur donner l’énergie de bondir au-delà de la masse. La barricade était trop haute pour être franchie et les côtés étaient encore gardés par des morts. Mais les flammes allant d’un corps à un autre, ils furent incapables de se saisir de ces proies pourtant si fragiles, si frêles. Markus et Edmund les regardaient, figés, les voyant se débattre, se tordre dans tous les sens, gémissant encore et encore. Si beaucoup se rapprochèrent, espérant les amener avec eux, aucun ne put aller au-delà du tranchant des épées des deux cavaliers.

-Alors là… guht gespielht
-Mon oncle est tanneur.
-Je sais. Tu crois que ça va les contenir ?
-On nous ouvre la voie ! On y va !

Markus avait encore une fois raison. Les quelques zombies qui protégeaient les bords de la barricade n’étaient plus qu’un tas de chair et de cendre. Les autres, ceux qui venaient de l’intérieur du village, n’allaient pas tarder à passer le mur de feu que constituaient encore leurs malheureux camarades. Il était temps pour les deux Stirlanders de poursuivre leurs route.

Vers Leicheberg.



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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeMer 14 Sep 2011 - 20:12

Souiteuh !




La forteresse de Leicheberg.

Elle était enfin là cette citadelle que l’on disait imprenable, tellement d’ailleurs que lors de la dernière des guerres vampiriques, elle était passé à l’ennemi une dizaine de fois. Il n’en restait pas moins qu’elle se tenait là, arborant fièrement les couleurs du Grand Comté.

Leicheberg.
La montagne de cadavre.
La citadelle portait bien son nom. Cinq murailles protégeaient le bastion intérieur, protégeant chacune des quartiers entiers d’une ville qui comptait plus de casernes que de tavernes. L’essentiel des forces du Stirland y étaient constamment en garnison. Même lors de la terrible Tempête du Chaos qui ravagea le nord de l’Empire, le graf de Wurtab s’était refusé à dégarnir Leicheberg. Cette citadelle qui avait connu tant de sièges, tant de massacres, tant de morts, était le seul rempart viable face aux invasions sorties de la Sylvanie. Son nom, elle l’avait gagné par les monticules de corps qui avaient jonché son sol aux différents niveaux de la cité, mélangeant aussi bien les soldats que les horreurs invoqués par les nécromants. Ce type de forteresse n’était en soit pas une exception au sein de l’Empire. L’influence des nains en matière d’architecture militaire était partout. Mais Leicheberg avait la particularité d’être l’une des plus vieilles. Sa construction remontait déjà au temps de Sigmar, où elle n’était alors qu’un bastion de bois et de paille. On racontait néanmoins que le premier Empereur y avait séjourné, peu après la bataille où il parvint à unifier toutes les tribus. Par ailleurs, même si le tourisme n’était guère développé, le comte von Stople, en charge de la forteresse, mettait à la disposition des visiteurs un musée où quelques babioles de ce temps là avaient pu être conservées. Le terme était pleinement approprié. Qui pourrait s’ébahir d’un bout de fourrure moisi, si légendaire soit-il ? Mais la fonction de la forteresse restait évidemment militaire. Passé le temps des guerres contre les orcs, contre les morts-vivants, et également contre le Talabecland durant la guerre civile, la citadelle décida de s’enterrer, notamment face à la menace que représentait peu à peu l’artillerie. Ainsi, aux cinq murailles qui s’élevaient sur le pic, des souterrains que l’on pourrait presque appeler des catacombes permirent de protéger la cité au mieux. L’importance de Leicheberg était telle que le quart des productions agricoles du Grand Comté y étaient destinés, en réserve, quitte à affamer les paysanneries. Beaucoup à Nuln ou à Altdorf pensaient que le Stirland investissait d’une manière démente sur ce bastion, d’autant que cela faisait des années et des années que la Sylvanie se tenait tranquille. Ils ne comprenaient pas que c’était de cette forteresse que dépendait la survie même de la province. Le souvenir des guerres vampires était toujours bien présent dans chaque famille du Stirland. Il était hors de question de penser ne serait-ce qu’une seconde à désarmer Leicheberg. Ce fort qui protégeait aussi bien leur terre que l’Empire lui-même était une fierté, un orgueil que chacun pouvait avoir, s’approprier. Á tel fait d’arme du Middenland, à telle bravoure de l’Ostermark, à telle invention de Nuln ou à tel palais du Reikland, le Stirland se contentait de rester ce qu’il avait vocation à toujours rester : la terre sacrée de la dernière reine guerrière, le sol immaculé où les horreurs de la mort et de l’au-delà seraient à jamais vaincues.

Mais cette forteresse avait bien des défauts. Là où on parlait d’héritage, beaucoup pensait déjà à la rusticité de la chose. Á Altdorf, on n’hésitait pas une seconde à qualifier la citadelle d’obsolète. Et pour cause. Depuis que le Stirland n’était plus à la tête de l’Empire, son règne s’étant terminé sur le malheureux épisode de Dieter IV, les comtes électeurs de la province n’avaient plus les moyens de maintenir le fort au goût du jour selon les standards de l’époque, si tant est qu’ils eussent eu déjà l’occasion de mener ce genre d’entreprise. Ainsi, les efforts étaient suffisamment considérables pour espérer seulement maintenir la forteresse en état. Cela n’empêchait malheureusement pas d’en faire une vitrine bien esthétique du comté. Il était préférable d’en rester aux faits d’armes. En soit, le fort n’avait pas tant de retard à rattraper vis-à-vis de ses homologues impériaux. Militairement, la place était défendable. D’ailleurs, et l’anecdote valait d’être remarquée, aucun plan d’invasion du Stirland émis par quelque province belliqueuse n’envisageait sérieusement l’hypothèse d’un siège. Sans l’avouer, cela aurait été une folie. En vérité, la forteresse n’était tombée que par l’obstination toute « naturelle » des levées sylvaniennes. Aucune armée humaine ou simplement mortelle ne pouvant s’en prévaloir, elles préféraient passer son chemin, et la sévère défaite du Talabecland sur le fort laissait nettement à penser qu’il valait mieux continuer ainsi. Certes, contrairement aux autres grandes forteresses impériales, la mécanique n’avait pas lieu d’être ici. L’armée du Stirland entretenait tout juste un train d’artillerie dont l’efficacité tenait plus de la figure diplomatique que de la réelle performance militaire, alors s’imaginer voir équipée la citadelle de prouesses technologiques hors de prix, c’était là pure folie. Sensiblement, le schéma tactique de Leicheberg restait très classique. Les défenses offraient aux assiégés de quoi repousser l’ennemi, et les murs de la citadelle étaient à même d’entreposer de quoi entretenir un siège. Petite merveille, l’alimentation en eau ne dépendait pas seulement des puits. La rivière steyr avait été détournée pour passer sous la forteresse, et la déviation avait été faîte de main de maître, puisque la chose était souterraine, et puisque ladite rivière se tenait nettement plus à l’ouest que le fort situé dans la partie occidentale du Stirland, un risque de contamination venue des troupes de la Sylvanie était minime. Par sécurité toutefois, en période de guerre, c’était aux prisonniers d’inspecter la qualité des eaux, en entendant évidemment par là qu’ils devaient la goûter et en subir les conséquences si empoisonnement il y avait eu. Non, militairement la citadelle constituait un obstacle de taille. Mais des défauts, il n’en manquait pas, et notamment concernant un critère sur lequel le Stirland n’était pas prêt à faire évoluer les choses. L’esthétisme voyait là sa Némésis. Qualifier la place de « bordel » serait une insulte même à ces lupanars que les Stirlanders appréciaient tant. Se retrouver dans le dédale de ruelles qui s’était installé entre les murailles tenait de l’exploit. La seule chose dont on était à peu près sûr, c’était que les habitations les plus nobles se situaient « vers le haut ». Encore fallait-il que de nobles il y ait. Plus aucun aristocrate, à l’exception de la famille du comte von Stople, n’habitait les lieux. Le dernier niveau était donc un spectacle de maisons bourgeoises abandonnées qui lui donnait presque une allure fantomatique lorsque l’on regardait en contrebas la nuée de soldats mêlée à la populace, l’un et l’autre ne pouvant se distinguer que sous les yeux d’un pur natif de la province. Personne n’avait eu le courage de faire un plan, et encore moins un plan des souterrains. Mais si seulement il n’y avait que cela… il flottait en permanence une odeur nauséabonde. La merde conjointe à la pisse prenait le museau de n’importe quel animal muni du plus minable des odorats. La disposition des latrines était un tel fiasco que désormais il était impossible d’y remédier. Du moins, même une fortune n’aurait pas convaincu le moindre ouvrier de s’y rendre corps entier dans ce lieu cent fois maudit. On avait bien essayé encore une fois de forcer des prisonniers, mais une fois la pelle à la main, il n’y avait pas un seul qui résistait au malaise, et tous finissaient par rejoindre l’objet de leurs hypothétiques travaux. Horrible vision que celle de voir un homme, si criminel soit-il, être aspiré vivant par cette masse stagnante. Qui avait bien pu être le crétin d’architecte qui avait pensé qu’installer ces aisances autour des murailles du premier niveau serait une bonne idée ? Certainement un de ces Tiléens que le Stirland débauchait afin de s’éviter les honoraires des érudits venus de Nuln. Cet anneau putride englobait littéralement tout Leicheberg, et n’avait aucune peine à parvenir aux narines des niveaux les plus élevés. Même les souterrains en étaient imprégnés. Il n’était pas rare de croiser des familles entières avait des feuilles, voir des cailloux, faisant avec ce qu’elles avaient sous la main, profondément enfoncées dans les cavités nasales. Ce qui avait par la même occasion causé beaucoup d’accidents malheureux. Tout le monde avait en mémoire la tragique fin du petit Raimund qui avait eu la mauvaise idée d’inspirer profondément par le nez alors même qu’il s’était muni de la sorte. La pierre avait atteint le cerveau au bout de plusieurs heures de dérive agonisantes. Les médecins avaient été impuissants. Enfin, les médecins. Ceux qui avaient déjà désinfecté une plaie avec plus ou moins de succès. Et si l’hiver apportait une couche de neige qui permettait à peine de couvrir l’odeur, l’été était un cauchemar. Des milliers et des milliers de mouches s’agglutinaient sur les déjections devenues un véritable cloaque aux liquides à ce point compact qu’une hache aurait pu s’y maintenir à la surface. Et gare à l’imprudent qui tombait des échelles menant aux murailles. Les soldats avaient surnommé cette abomination le « slourp ». Enfin, il aurait été difficile de mesurer la laideur du reste de la cité après cet aspect déjà si horrible. La pierre était noircie de toutes parts, les rues n’avaient presque plus de pavés, laissant des chemins de boue en guise de voie urbaine… il n’était pas rare que lors de grandes pluies, toute l’eau tombée sur le sommet se précipitant vers le bas, les quartiers inférieurs se retrouvaient inondés jusqu’au genou. La vermine était abondante, et seules les quelques rares judicieuses précautions des autorités avaient pu sauver les réserves. Sortir de nuit était une folie. Ces quartiers là n’avaient pas le moindre éclairage. Et puisque les citadins étaient en permanence au contact des soi-disant troupes régulières du Stirland, la criminalité prenait un tout autre visage. Trafics en tous genres, prostitution non déclarée, vol, marché noir, recel, et tant d’autres activités qui n’étaient jamais réprimandées. Tout se faisait « dans le feutré ». Il était très rare de se faire agresser en plein jour. Mais dès la nuit tombée, et à l’intérieur d’une de ces centaines maisonnées qui tenaient plus du taudis que d’une habitation décente, les maux de l’humanité trouvaient un refuge des plus douillets. Il fallait bien comprendre les pauvres habitants. La plupart n’étaient que des paysans effrayés qui avaient choisi initialement de s’installer provisoirement à Leicheberg, espérant bientôt retrouver leurs fermes. Mais c’était sans espoir. Chaque mois, leur autorisation de départ n’était pas délivrée. Á vrai dire, pratiquement aucune n’avait été donnée, et ce depuis plus d’une décennie. Á une population fière de sa citadelle, se mêlait désormais une masse misérable qui n’avait plus rien à voir avec ce qu’avait pu connaître autrefois la cité. Et c’était sans compté que c’était à Leicheberg que tous les hommes trouvés ci et là aux abords de la Sylvanie étaient jetés. Tous les hommes, y compris les populations venues du nord de l’Empire, ayant fui l’invasion du Seigneur de la Fin des Temps. Aux populaces rurales de la province se mêlait donc sans distinction des hommes du Hochland, de l’Ostermark, du Nordland ou encore de l’Ostland. Il était parfaitement inutile de préciser à quel point les tensions sociales étaient palpables.

Et c’était à cet homme, à ce prince d’exception, à ce génie de l’art militaire, à ce politicien hors pair, à Anton Ludenhof, le commandant suprême des forces du Stirland de faire front depuis ce rocher de misère.

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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeMer 12 Oct 2011 - 22:01

Très pris ces derniers, je vous propose une petite suite en attendant... la suite ! Laughing


***


Il était là.
Il se tenait là.
Et il regardait.

Le commandant suprême, bras croisés, scrutait l’horizon. Il guettait cet Est qui lui avait tant de fois apporté la victoire, mais il ne s’était jamais offert le luxe de penser que ce ne pouvait être autre chose qu’un beau lancé de dés. De temps à autre, il baissait les yeux. La cité était en pleine ébullition. Soldats et citoyens couraient de part et d’autres. Les premiers se préparaient au siège aux ordres des officiers qui les pressaient encore et encore, tant le temps leur manquait. Les seconds fouillaient désespérément chaque ruelle, se bousculant, se battant même, pour ne serait-ce qu’attraper une planche moisie, la considérant alors comme la relique qui barricaderait un tant soit peu leur misérable bâtisse. En regardant de plus près, il s’agissait surtout d’enfants. Le général n’avait pas oublié qu’il avait lui-même ordonné la mobilisation de tous les hommes valides et aptes au combat. Selon les critères militaires du Stirland, cela impliquait de faire subir la conscription à tous les fils de la province, dès dix ans et jusqu’à… jusqu’à l’âge où ils n’étaient qu’une gêne de plus pour les régiments. Malgré cette petite pagaille somme toute plus que prévisible et finalement assez habituelle, la mise en ordre de la forteresse avançait. Il ne faisait aucun doute que jamais ils n’auraient le temps d’en saisir toutes les ressources. Il était trop tard pour ça.

Ces nuages. Ces maudits nuages noirs. Le prince les connaissait. Même s’il attendait le rapport de ses éclaireurs, il était intimement persuadé que l’assaut de la citadelle ne tarderait pas. Lui, comme ses officiers et ses soldats, ne s’était autorisé aucune pause, et ce depuis plus d’une semaine. Ce petit temps d’observation n’en constituait aucunement une. Envoyant ses lourdes paupières valdinguer, le commandant suprême était attentif au moindre détail, et ce malgré une fatigue qui était flagrante. Ses cernes tranchaient tellement avec le bleu vif de ses yeux, et ajouté à ses cheveux bruns qui d’ordinaire auraient reçu un soin approprié, il abhorrait là une figure qui reflétait pleinement ses préoccupations. Il ne restait de sa prestance que son uniforme, pourtant lui aussi usé. N’ayant pas une stature très développée, il savait toutefois tirer avantage de son buste. Un superbe pourpoint noir accueillant le grand collier du collège militaire de Wurtbad et qui laissait voir par de larges fentes sa chemise aux couleurs de sa province mettait en valeur cet homme qui prenait tant soin de son image. On s’arrêtait souvent sur ses jambes, car il était bien des fois préférable de baisser la tête devant lui. Sa culotte reprenait le vert et le jaune de sa chemise, mais le tout se terminait par des bas blancs qui rejoignaient de petits souliers à boucle d’or. Un baudrier de cuir caché par une écharpe d’apparat rouge portait son sabre, insigne honorifique de sa prestigieuse fonction. Tout le monde savait qu’il ne s’en servait jamais. Il préférait nettement plus une arme qu’il gardait précieusement et qu’il ne dévoilait qu’aux moments les plus critiques. Enfin, un grand chapeau à large bord, dont les plumes aux couleurs si attendues voyaient leurs pointes dissimulaient derrière la croix du Stirland, pièce d’orfèvrerie majeure, où l’or se rejoignait en une superbe émeraude.


Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 15.105
Le commandant suprême des forces du Stirland, Anton Ludenhof

Du coin de l’œil, Anton Ludenhof savait qu’il ne pouvait s’attarder plus longtemps sur cet exercice, pourtant si indispensable. Un essaim d’aides de camps et d’estafette l’entourait, tous attendant leurs ordres. Dans un léger soupir, il leva doucement l’index et le majeur de la main droite, signe tant espéré de la part de cette nuée impatiente. Comme tout le monde n’ignorait pas que le prince punissait sévèrement le désordre, c’était presque d’instinct que le groupe désignait de lui-même celui dont le tour avait sonné. Il fallait faire vite. Si le geste du général venait à être répété, le court entretien qui serait accordé ne s’annonçait guère engageant.

L’un d’eux fit un pas. Puis s’approcha du général, tremblant de tout son corps au point d’en tenir à peine son parchemin.

-Votre Excellence…
-Je vous écoute, monsieur Bauerreis, accueillit Anton d’une voix qui laissait entendre qu’il était disposé à prendre un peu de son temps avec l’aide de camp.
-Je viens de la part du capitaine Rodörfy, il vous informe que la fortification du second couloir de la troisième aile souterraine de la cité ne pourra pas être effectuée dans l’heure comme initialement prévue, enchaîna le pauvre homme, apeuré.
-Que me dîtes-vous là ?
-Un éboulement a fait chuter les premiers renforcements, monsieur le commandant suprême.
-Un éboulement ?! s’exclama le prince, saisissant violemment le parchemin de l’estafette et parcourant des yeux les quelques lignes qui constituaient le maigre rapport du capitaine. Vous avez l’ampleur des dommages ?
-Le capitaine a assuré qu’il ne s’agissait là de rien de très préoccupant. Il a tout de suite ordonné à ce que l’on emmène des poutres afin de soutenir les endroits… instables. A part un retard certain, il ne devrait pas y avoir d’autres incidents, Excellence.
-Retournez là-bas, faîtes savoir à Rodörfy qu’il me tienne impérativement au courant de l’avancée des travaux, et inspectez moi chaque niveau des souterrains. Je veux que soyez en mesure de m’assurer qu’il n’y ait pas eu d’autres éboulements. Vous avez vos ordres, Bauerreis, termina Anton en rendant le document au soldat.
-Ce serait fait, Excellence !
-Bauerreis… ?
-Oui… ?
-Vous avez une demi-heure. Bougez-vous le fion, voulez-vous ?

Ecarquillant les yeux de terreur, l’estafette fit un bond avant de se précipiter vers la sortie, dégageant tous ceux qui se trouvaient sur son passage. Avec un léger sourire, Anton fit de nouveau le signe qu’attendaient ceux qui venaient d’être bousculés dans leur insoutenable impatience.

Le prochain, cette fois, accouru, éjecté de l’essaim.
-Monsieur Terpitz. Quelles nouvelles du capitaine von Rinauer ?
-Excellence ! Le capitaine vous signale des mouvements de contestation parmi les civils !
-Une contestation ?
-Rien de grave, monsieur le commandant suprême, juste quelques cas de désobéissance, mais le capitaine souhaitait vous avertir que pour faire taire tout début de mutinerie, il avait choisi de séparer et de répartir différents groupes de miliciens. Il les a envoyé au service des officiers Meltburg, Kraemer, von Kläm et Rodörfy.
-Et pourquoi êtes-vous là s’il a déjà bien la bonne décision ?
-C’est que… notre régiment, originaire de Malburg, a toujours voulu notifier le moindre de ses agissements au commandement, répondit, quelque peu embarrassé ledit Terpitz.
-Cher ami, faîtes moi le plaisir de déguerpir. Vous ne reviendrez que pour me signaler autre chose que le début d’un rien du tout !

Là, Anton avait levé la voix. L’estafette eut prit tout juste le temps de s’incliner avant de repartir. Les autres se regardèrent un moment, et à peine eussent-ils désigné celui qui devait s’avancer qu’une porte s’ouvrit avec fracas.

Un superbe officier entra. Malgré son jeune âge, il ne manquait pas d’allure. Son uniforme respectait les couleurs de sa province, mais quelque chose trahissait son passé. Son fourreau adoptait la forme d’un cimeterre, un de ces magnifiques sabres orientaux. Pour le reste, il avait tout du petit bourgeois fraîchement promu, mais qui ne n’hésitait pas à revendiquer son grade. Celui de Main du prince.

-Messieurs, laissez nous, trancha-t-il aussi sec.

Le commandant suprême n’eut pas levé un sourcil que les aides de camp se retirèrent, non sans tenter vainement de faire valoir une dernière fois leur audience auprès de Ludenhof. Quelques instants plus tard, seuls quelques gardes et les deux officiers étaient encore dans la pièce.

-Pardonnez moi, commandant, mais j’ai pensé que l’objet de notre entrevue devait rester aussi confidentielle que possible, continua le jeune homme, s’avançant protocolairement vers son supérieur.
-C’est une dépêche confidentielle que vous tenez là ?
-Précisément.
-Et vous vous êtes permis de la lire ?
-Ah… euh, c’est que… eh bien votre Excellence, c’est que j’ai pensé que… ne sut vraiment que dire Meltburg, embarrassé par la situation.
-Vous n’êtes pas mon second pour rien. Vous pourriez éviter d’en être gêné. D’ailleurs, vous me faîtes gagner du temps, ce dont je manque le plus. Alors, que m’annoncez-vous ? Les rapports des éclaireurs ?
-Oui… Oui, votre Excellence. L’éclaireur Markus Lied est revenu.
-Lied… douzième cavalier de la sixième patrouille ? voulut s’assurer Ludenhof.
-Celui-là même.
-Ce n’est pas le plus sérieux d’entre tous. Enfin, qu’est-ce qu’elle raconte votre dépêche ?

Meltburg marqua une pause, lâchant même un soupir. Enfin, il releva les yeux et annonça à son supérieur la raison de sa venue.

-L’ennemi approche, mon commandant. Ils ont passé Neuheim.
-Neuheim… vous me dîtes, commença à réfléchir Anton, ses yeux trahissant les calculs de temps et de distance qui l’agitaient. Ils seront là dans dix heures, onze tout au plus.
-C’est ce qui est à craindre, effectivement.
-Approchez Swen, approchez, fit le prince, lui faisant signe de venir à ses côtés. Regardez les, et maintenant, poursuivez.

Le capitaine n’ignorait pas que lorsque le commandant suprême l’appelait par son prénom, c’est qu’il avait besoin de son avis. Il aurait pu croire que son analyse lui serait utile, mais la réalité était tout autre : Ludenhof cherchait simplement la sincérité de son second afin de mieux l’évaluer. D’ailleurs, il savait très bien comment s’y prendre. Meltburg était terriblement exposé, là, face à ses deux mentors : la troupe et le prince.

Anton n’avait pas peur. Ou du moins, il ne le montrait pas. En tant qu’élève, il fallait que Swen use du même art.

-Monsieur le commandant, Lied affirme avoir vu la population locale être tombée sous les forces de la Sylvanie. Ils n’ont pas fait de prisonniers. Les pauvres êtres suivent maintenant les rangs de l’ennemi, reprit Meltburg, avalant difficilement.
-Il a parlé de l’état de ces cadavres ? demanda brusquement Ludenhof.
-Non, le sergent Pförmann ne m’a rien dit de particulier à ce propos. Mais Lied était terrifié, désorienté, sonné même lorsqu’il a rendu son rapport. D’après mes lieutenants, il ne cessait de demander si on avait retrouvé un de ses camarades.
-Lequel ?
-Un certain Fritz. Je n’ai pas le nom de tous mes soldats en tête.
-Et vous pensez que son jugement a été altéré par son état ?
-Je pense plutôt qu’il faut peut-être s’attendre à de nouvelles indications, lorsqu’il aura repris des forces, précisa Swen, fixant les contrebas du donjon.
-On a une confirmation du nombre ?
-C’est imprécis. Mais on doit s’attendre à près de quinze mille lances.
-Et ce n’est qu’un minimum. L’ennemi va se renforcer… autre chose ? Il a vu quoi exactement votre éclaireur ? Des engins de siège ? Quelques bonnes bestioles dont la Sylvanie a le secret ?
-Rien de tout cela, pour l’instant. Je vais y retourner et l’interroger personnellement. Je vous laisse son rapport ? Le peu qu’il y a d’écrit peut être utile. Du moins, on sait maintenant le temps qu’il nous reste, conclut Meltburg, redressant le buste.
-Faîtes ça, oui. Et vous, comment vous sentez vous ? questionna Ludenhof, adoptant ce regard d’émeraude si perçant qui déstabilisait tous ceux qui le croisait.
-Je suis à mon poste, monsieur. Vous savez que je vous suis tout acquis, je vous dois tout, répondit sur le même ton le jeune disciple.
-Si vous avez peur, je le saurais, Swen. Je le saurais. Allez à la rencontre de ce Lied, et tirez de lui ce que vous pourrez. Vous m’enverrez au plus vite monsieur Schoeher. Pour le reste, faîtes connaître aux autres officiers que je veux les voir à ma table ce soir.
-Selon vos instructions, Excellence, termina le capitaine en s’inclinant et se retirant tout doucement.

Avant que la porte ne s’ouvre, Swen entendit une dernière phrase de son supérieur.

-Vous masquez mal votre peur. Faîtes mieux que ça, voulez vous…



'ton !

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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeJeu 13 Oct 2011 - 13:43

J'aime beaucoup !

Le côté "comique" que tu as employé pour narrer l'épisode du village zombie est tout bonnement géniale ! J'ai adoré.
Vivement la suite, l'histoire est fachement prenante.

Artorius,
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Anton Ludenhof
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeMar 22 Nov 2011 - 21:21

Suite, messieurs ! Suite !


Les portes fermées, Meltburg ne put que les regarder d’un œil désolé, gêné, embarrassé qu’il était des derniers mots du commandant suprême, véritable sévère remontrance pour tout soldat du Stirland. Il fallait savoir que faute de moyen, le Grand Comté avait depuis longtemps renoncé à récompenser la bravoure par de coûteuses médailles que seules les orfèvreries d’Altdorf et d’Averheim étaient en mesure de confectionner. Á la place, celui qui portait l’uniforme aspirait plus que tout à être cité dans les rapports du Haut Commandement. C’était là une considération honorifique sans égale, et qui était d’autant plus prestigieuse qu’il était aisé d’y être superbement démoli. Et comme il n’y avait pas de meilleurs rapports que la conviction même du plus grand des officiers de l’armée, Swen n’avait pas le moindre doute quant à l’idée peu flatteuse qui s’y était installé désormais.

Tête baissée, il commença à descendre l’escalier. Une voix derrière lui l’interpella, et le fit sursauter.
-Ne me dîtes pas capitaine que je vous ai fait… peur ?
-On a certainement dû vous dire que vous aviez beaucoup d’humour, monsieur Denhöf, riposta l’officier en second, comprenant que son interlocuteur avait tout saisi de la scène. Vous allez voir le commandant, je suppose ?
-Disons plutôt que c’est lui qui me demande, comme toujours ! Il me doit tant et plus, et à son âge, on n’est pas prêt de changer… répondit l’homme, croisant les bras et souriant malignement.

Cölestin Denhöf était l’espion personnel d’Anton Ludenhof, la « perle rare du Stir », un escrimeur hors pair. Un informateur à ce point talentueux qu’on le disait membre du cercle intérieur de la « confrérie de la mouche », une organisation criminelle résidant à Wurtbad, qui était à la tête d’un des plus grands réseaux d’espionnage de tout l’Empire, et qui rendait d’inestimables services aux cours impériales, en échange de… plusieurs dérogations quant au reste de leurs activités. Denhöf était d’une arrogance rare. Sans être antipathique, il affichait aux yeux de tous sa supériorité, notamment à l’égard des petits bourgeois et autres nobles qui ne devaient leur avancement qu’à leurs familles. Ainsi, il n’hésitait pas à clamer haut et fort sa profession. En soit, à quoi bon s’en cacher ? Lorsqu’il était en mission, son travail consistait bien à ne pas se faire voir, et il y excellait. De là à dire qu’il était un peu sorcier, il n’y avait qu’un pas. Cet individu avait le don de complexer chaque officier, car quoi qu’ils eussent pu faire pour combler les attentes du prince, seul Cölestin pouvait se prévaloir d’un tel honneur.

Haussant les épaules, Meltburg n’y échappa pas. Ludenhof n’aurait même pas à lire les rapports des éclaireurs.

-Le prince est encore jeune, il pourrait bien changer, vous savez…
-Pourquoi changer ? N’est-il pas l’homme providentiel de notre belle province ?
-Je… euh… vous m’avez compris…
-Mais ne vous en faîtes pas, s’il vaut mieux qu’il reste notre commandant adoré, vous, vous pouvez encore changer ! continua Denhöf, tout aussi sarcastique.
-Merci de l’encouragement… fit Swen, commença à fulminer. Pardonnez-moi, j’ai à faire.

Il n’eut pas fait deux pas dans l’escalier que Cölestin lança une dernière pique.

-Ils ont passé Neuheim, hein ?

Le capitaine souffla de nouveau, avant de continuer. Ludenhof n’était pas loin, et il s’était fait assez remarqué. Ce siège commençait bien. Chaque marche de cet escalier glacial, chaque pas qui résonnait dans le donjon, se mêlant à tous ceux des fonctionnaires et des estafettes qui le bousculaient de ci, de là, il n’arrivait plus à penser. Le regard vide, son esprit fuyait. Mieux valait ne rien avoir en tête lorsque la honte et la peur étaient de mise. Á peine songea-t-il aux morts de son enfance qu’il sentait ses dents claquer, sa gorge se nouer, et la douleur venue de ses entrailles apparaissait encore et encore. C’était pourtant un bon officier. Ce n’était pas pour rien qu’il avait été choisi par le commandant suprême pour l’épauler. Qu’il n’eut cette fonction, et c’eut été lui qui aurait été honoré de brandir la bannière du comte. Quoi que pouvait penser cette ordure de Denhöf, Swen n’était pas un aristocrate. Son père avait été un magistrat, avant qu’une émeute l’estropia. Séparé de son frère, il avait dû suivre sa mère en Arabie, à Sudenburg, où ce ne fut pas la compagnie de ses tantes qui sut réconforter l’enfant qu’il était alors. Seule l’armée, ou plutôt la minable brigade d’indigènes soutenue par quelques officiers pochtrons, avait pu lui donner un semblant de famille. Néanmoins, il regardait toujours vers le Stirland, vers sa terre, vers sa patrie. Lieutenant, il abandonna mère et tantes, désert et dromadaires, plumes et vinasse, pour s’en retourner à Wurtbad où son mérite ne tarda pas à apparaître. Et maintenant, le voici qu’il…


Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 458631120fd731d69a2955e89e9d1c72
Le capitaine Swen Meltburg, Main du Prince

-Mon capitaine !
-Ah. Steinbrück, vous m’avez… pourquoi êtes-vous là ? demanda le capitaine, se reprenant de justesse de prononcer le mot qu’il devait absolument bannir de son vocabulaire, du moins devant ses hommes.
-Eh, je vous attendais pardi ! répondit le lieutenant avec bonhommie.

Wolfgang Steinbrück était un sous-officier dont les manières déplaisaient fortement à Swen. Il se montrait cependant bon administrateur, toujours jovial, et avait d’excellents rapports avec les hommes, au point qu’il les connaissait presque tous par leur prénom. Stirlander de pure souche, il vantait constamment les mérites de Nussbach, son village natal, perdu dans la pampa campagnarde, mais qui produisait selon lui une liqueur à la noisette qu’on s’arrachait à Altdorf. Lors de l’un de ses déplacements à la capitale, Swen s’y était essayé. Sans qu’il eut en quoique ce soit l’accent de sa province, on ne manqua pas de le traiter de pequenaud du Stirland.
Depuis, il lui portait une certaine rancune. Mais comme il n’était pas rancunier, il se méfiait seulement… un peu. Du moins, il doutait.

-Sie wisshen wahs ? ‘ont mis des pièces d’artillerie dans l’slourp !
-Je vous demande pardon ?! s’exclama l’officier, écarquillant les yeux.
-Je plaisante, mon capitaine, ich lache nur !
-Ha-ha. Bon, vous m’accompagnez, on va aller voir ce monsieur Lied, poursuivit Swen, lui qui ne comprenait rien au dialecte local.
-Et pourquoi que vous v’lez aller voir c’type qu’a l’esprit qu’à tourner la malle ? répliqua Wolfang, aux côtés de son supérieur, ventre devant.
-Parce que je préfère l’entendre que le lire.
-Lire quoi ?
-Son rapport.
-L’est où l’rapport ?
-Je l’ai donné au prince. Une objection ?
-C’est que… c’est pas Lied qui l’a écrit, fit remarquer Steinbrück, yeux en l’air, sourire béta.
-Pardon ? Répétez-moi ça !
-‘tendez, mon capitaine chéri, v’l’avez vu vot’ Lied ? Il s’rait foutu d’faire le poirier pour ‘riner !
-Eh, vous allez surveiller vos propos ! Ça commence à bien faire, Steinbrück ! Je vais vous citer, attention ! Si vous continuez, je cite ! s’emporta le jeune officier, menaçant de l’index et se couvrant de ridicule.
-Mon capitaine, mon capitaine, kheine zorge ! Main du Prince ! ‘donnez moi, pardonnez, s’lement, oui, Lied, ‘peut pas écrire dans son état. C’est Ulrich qui a écrit l’rapport, ‘pensez bien…
-Mais… le rapport était signé de son nom !
-Euh… sauf vot’ respect, capitaine chéri, comment vous l’savez, c’t’ait pas confidentiel ? lança Wolfgang, tout sourire, et tapotant sur son bide.

Swen retint une grossièreté. L’espace d’un instant, la lèvre inférieure gonflée, Steinbrück avait devant lui une grenouille coiffé du dernier chapeau à la mode.

-‘sont jolies vos plumes. C’est d’quelle bestiole ?
-D’autruche. Bon, eh bien, quoiqu’il en soit, il convient d’aller s’assurer de ses propos, s’il ne les a même pas écrits…
-‘vos ordres, mon capitaine.

Les deux hommes prirent la première sortie qui s’offrit à eux. Il y avait trop de monde à l’intérieur du donjon, tant d’agitation, il aurait fallu crier pour s’entendre dans un tel branle-bas de combat. D’ici peu, toutes les portes seraient closes. C’était sans doute là la dernière fois qu’il l’empruntait avant le début de la bataille. Alors qu’ils étaient dehors, sous ce ciel inquiétant, tout juste éclairé par la petite lanterne dont la flamme vacillait avec frénésie, c’est à peine s’ils furent en mesure de distinguer les ruelles de la vieille ville. Une bourrasque vint leur rappeler le froid qui régnait ici bas, et si Wolfgang se couvrait de son ridicule bonnet de laine, Meltburg avait laissé son manteau dans ses quartiers, effrayé à l’idée de paraître trop vêtu devant le commandant. Un garde se tenait là, immobile, mais peinant à se retenir en voyant le couvre-chef du lieutenant, lieutenant qui nouait autour de son cou une écharpe mitée.

-Ah ! C’qui faudrait pas s’les peler !
-Oui, comme vous dites. Bien, nous nous rendons aux dortoirs de la sixième brigade, trois…
-Troisième bataillon, quatrième régiment, seconde compagnie de cavalerie ?
-C’est bien ce qu’il y avait d’écrit.
-Ha ! Vous l’avez lu !
-Fermez là, Steinbrück, vous la bouclez ! Dernier avertissement avant la citation ! s’énerva à nouveau Swen, sans voir que son lieutenant ne le prenait nullement au sérieux.
-Oui, euh… ‘don. ‘wird nie sein. Donc, on y va ?
-Oui, oui…
-Oui ?
-Mais oui !
-Bon d’accord. Vous êtes sûr ?
-Oh ! Mais vous avez fini oui ?!
-Oui.
-Je vais… ! Rha !

Le capitaine, furieux, pressa le pas et distança sans peine l’obèse lieutenant. Celui-ci joignit les mains, s’excusant encore et toujours. De la même manière qu’il en avait fini avec brillo face à Denhöf, Swen décida d’ignorer un moment son pénible second.

Descendant la rue principale de Leicheberg, qui zigzaguait entre les différents niveaux de la citadelle, la Main du Prince inspecta l’avancée des préparatifs. Si la cohue à l’intérieur du donjon avait été détestable, elle était ici à peine soutenable. Allant et venant, courant et suffoquant, des centaines de soldats et de citoyens s’activaient, les uns se dépêchant malgré leur évidente fatigue d’obéir à leurs officiers aphones, les autres cherchant désespérément un endroit où se mettre à l’abri. Bien sûr, la distinction entre militaires et civils était purement protocolaire. Même Swen ne pouvait s’y reconnaître vraiment dans cette pagaille. Il devait y en avoir qui étaient directement placés sous ses ordres, mais sans doute tout autant qui obéissait au premier ordre venu, sans se soucier des mirifiques listes établies consciencieusement par les bureaux du Haut Commandement de Wurtbad, totalement irréalistes sur le terrain. Sur celles-ci, on pouvait lire six fois le nom de « Müller ». « Müller », rien d’autre pour désigner le soldat censé correspondre à cette brigade. On pouvait cependant comprendre les braves fonctionnaires. Dans le doute, autant prendre un nom qu’un citoyen de l’empire sur trois portait. L’erreur était moindre. Quand il y pensait, l’administration militaire était d’un ridicule notoire. Á quoi bon connaître les différents échelons d’une brigade lorsque ceux-ci n’étaient pas même respectés ? Cela en laissait dire sur l’intelligence de ceux qui se vantaient d’un tel savoir ; cela en disait beaucoup sur Steinbrück. Et tout autant sur Meltburg. Finalement, en y réfléchissant bien, les officiers qui parvenaient aux plus belles victoires avec des faits aussi accablants étaient de véritables héros.

Ludenhof en était un, et pas le dernier.
Meltburg était simplement déterminé à en être.

-Il me semble que j’avais donné des ordres, glissa Swen alors qu’il laissait son lieutenant le rattraper.
-‘bsolument, mon capitaine. Et ils ont bien été suivis !
-Steinbrück, je vais être clair. Vous voyez ça ? demanda le capitaine en montrant les murailles un des versants de la citadelle.
-Non s’lement j’le vois, capitaine, mais en plus, je sais bien que j’y s’rais sous peu…
-Exactement. Ça, c’est que nous aurons à défendre. Et vous savez vers où s’orientent ces murailles ?
-Euuuuh… c’pas le sud ? essaya Wolfgang, au hasard.
-Manqué. C’est l’est.
-L’est ?
-Oui. Vous saisissez ?

Le sous-officier ne put répondre qu’en avalant difficilement.

-C’est vers nous que l’ennemi frappera le plus fort. Il vient de l’est, c’est là qu’il frappera le plus fort. C’est pour cela que j’exige que mes ordres soient exécutés dans leur intégralité, alors, je vous en prie, par la foi que nous portons en Sigmar, dites moi ce qu’il en est ! Il en va de la survie de tout un contingent, et vous savez combien ça fait un contingent ? lança le capitaine, s’étonnant lui-même du ton qu’il venait d’adopter. Ça fait cinq mille hommes ! Alors, pour l’amour du ciel, vous arrêtez de sourire comme un débile et vous faîtes votre travail !

Wolfgang n’en croyait pas ses yeux. En un instant, le jeune petit bourgeois s’était transformé en une autorité dont l’assurance n’avait d’égal que sa prestance. Sans s’en rendre compte, ce brutal changement affecta également les habitudes du lieutenant.

-Monsieur, vos ordres ont été ‘fectués. Souhait’vous qu’on les liste ?

On ne pouvait trop en attendre d’un homme de Nussbach.

-Oui… faisons ça… voulez-vous ?




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Dernière édition par Anton Ludenhof le Mar 14 Mai 2013 - 16:25, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeMer 23 Nov 2011 - 1:30

Citation :
le jeune petit bourgeois s’était transformé en une autorité dont l’assurance n’avait d’égal que son autorité

si ce n'est ce petit cafouillage, c'est génial, vivement la suite Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 3397943904
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Anton Ludenhof
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeJeu 24 Nov 2011 - 19:33

Suite !




-Allez, merde ! Grouille-toi !
-Ah, me saoule pas ! T’vois pas que j’ai d’jà les mains prises ?!
-Tu fais ce qu’j’te dis !
-Va te faire, t’es pas officier !
-Tu veux aller l’dire au capitaine Rodörfy p’tètre ?!
-C’bien c’que j’dis, t’es pas l’capitaine !
-C’qui qu’est chargé de gérer tout ça ? Moi ou toi ? Hein, p’tite mouisaille ?
-Ouh ! C’que tu m’gaves ! Tiens, porte donc ! Connard !

Le soldat jeta alors la caisse sur les pieds de son collègue. Celui cria de douleur, insultant à tout va et se mordant les doigts pour se retenir désespérément.

-Ah ! Mais qu’il est con c’lui là !
-‘fallait pas me gonfler, ‘toi l’con… allez, au plaisir hein !

L’insatisfait ne le fut pas de son geste et s’en retourna vers le reste de la compagnie. Il n’était pas vraiment considéré comme un mauvais soldat, mais tout le monde savait qu’il ne fallait pas le pousser à bout.

Le lieutenant aussi le savait. Assis sur une marche et massant ses pieds écrasés, il ne vit pas l’imposante silhouette qui le regardait fixement en haut de l’escalier. Lorsqu’il entendit des pas se rapprochaient, des pas lents et lourds, résonnant de toutes parts sur armure et cotte de maille, il s’arrêta net. Serrant les dents, il se retourna. Lentement. Très lentement.

-J’peux savoir c’que tu fous là, toi ?!
-C’est que…
-Ta gueule ! J’t’ai posé une question ? Non ! Tu la ferme ! Tu la boucle ! Qu’est-ce que ça veut dire ?! Ah, monsieur veut faire son bonhomme ! Monsieur se met dans son coin et s’gratte la couenne !
-Mais, mon…
-Ta gueule j’ai dit ! Ta-gueule ! Tu la ferme ! Dézobéichant avec… Attends. « Dézobé… ». Merde. **** ! « Désobéichiant » ! Ouais, voilà ! « Désobéichiant » avec ça !

L’homme qui engueulait celui qui avait tenté d’engueuler était le capitaine Joseff Rodörfy. Il mesurait près deux mètres et était aussi large qu’une armoire. Il ne lui aurait manqué que la poignée pour qu’il s’ouvre. Et comme si stature ne suffisait pas, son armure le rendait encore plus immense qu’il n’était déjà. Il la portait constamment. Jamais ses soldats ne l’avaient vu l’enlever. L’élégance n’était certes pas de mise à la guerre, mais là, on atteignait le paroxysme de cette idée. Des jambières aux vambraces en passant par l’imposant plastron, tout était dans un état des plus douteux. Bien que laquée de noir, la rouille apparaissait malgré tout par endroit. Les sangles étaient rongées, les plaques cabossées, les épaulettes fissurées, on se demandait bien comment un pareil assemblage pouvait tenir. Une armure complète coûtait une fortune, au-delà de qu’il était possible d’imaginer au vu de la solde d’un soldat, et l’on pouvait comprendre que celles-ci laissaient à désirer. Mais à ce point. Non, ce Rodörfy tenait fermement à sa réputation. De cet amas de ferraille, une tête chauve et garnie d’une barbe quasi rectangulaire dépassait. Une oreille en moins d’un côté, une incroyable balafre de l’autre, voilà ce qui rendait cet homme si terrifiant. On ne savait pas bien d’où venaient ces blessures. Alors, tout le monde y allait de sa petite histoire. Certains disaient que c’était son grand frère qui l’avait puni d’avoir joué au lieu de labourer. D’autres prétendaient que c’était contre un troll qui lui avait arraché d’un coup de patte ce qui n’avait pu se préserver d’une bonne esquive. Ou encore que c’était suite à un stupide pari. Il fallait dire aussi que cet officier picolait constamment. Il ne portait jamais de heaume, car cela l’empêchait de boire. Il avait d’ailleurs l’habitude de briser la bague de ses bouteilles plutôt que d’en retirer le bouchon. Tout le monde s’accordait à dire que la tâche était ardue, surtout lorsque l’on portait constamment des gants de fer. La seule partie qui n’était pas recouverte de métal était son postérieur. Suspecté à juste titre d’avoir une hygiène déplorable, il se grattait fréquemment le derrière, et se contentait de tirer ses chausses pour… émettre. Bien évidemment, l’armure ne suffisait pas à retenir les odeurs. S’il fallait parler de ses manières, par souci d’honnêteté, il faudrait en oublier les siennes : il buvait, fumait, bouffait, rotait, pétait, baisait. Le tout agrémenté d’un caractère violent, irascible au possible, et particulièrement grossier. Cependant, ce n’était pas pour rien qu’Anton Ludenhof avait défrayé la chronique en nommant cet animal à la tête d’une de casernes principales de Wurtbad. Certes, on le disait trop crétin pour fuir. La vérité était ailleurs. Seuls quelques officiers attentifs pouvaient percevoir que derrière cette figure se cachait quelque chose. Quelque chose de bon. Père de neuf enfants, dont seulement deux fils qui servaient également dans l’armée, il dépensait l’essentiel de sa solde à leurs besoins. Essayant tant bien que mal de compenser l’absence d’une mère qui en avait eu assez de rester allongé, tantôt pour subir, tantôt pour accoucher, et qui s’en était retourné dans quelques faubourgs malfamés d’une des grandes villes de l’Empire afin de « reprendre du métier », il s’était vite rendu compte que l’amour ne faisait pas tout. Comment concilier la distance d’un métier et la présence nécessaire que tout bon parent devait avoir auprès de ses enfants, et ce en assurant un revenu tout juste suffisant pour pourvoir aux besoins de cette nouvelle bourgeoisie vers laquelle Ludenhof les avait jetés ? L’éducation était une voie. Ainsi, il décida de redoubler d’ardeur pour leur offrir une place parmi l’une des écoles « abordables » de Wurtbad. Ce faisant, il s’attira malgré tout la rancœur de sa propre famille, lui reprochant son absence quasi-permanente. Une enveloppe, si elle signifiait beaucoup, ne remplaçait pas l’amour paternel. Et pourtant, il les aimait. Mais la vie continua à se moquer de lui. Rapidement, les enfants rattrapèrent son niveau intellectuel qui, il fallait bien l’avouer, n’était guère développé. Lui, tout ce qu’il savait, c’était en ayant entendu une ou deux phrases d’un de ses collègues, au point d’ailleurs qu’il doutait du nom des principaux ministres du comte Haupt-Anderssen, se contentant alors de les nommer par le premier titre qui lui venait. L’intelligence ne favorisant pas la compassion, à la distance vint s’ajouter le mépris, et la distance devint refuge.
Ludenhof le savait. Il le savait d’autant plus que désormais, ce misérable officier qui n’avait plus que sa bravoure et son aura guerrière sur la troupe, ne pouvait plus que lui être obéissant. C’était son pion préféré. Avec lui, le commandant suprême en eut fini avec les quelques généraux qui contestaient alors son autorité. L’affront que constituait la nomination de Rodörfy au poste de capitaine de la caserne du « Graumaslabl », quartier populaire de la capitale, avait montré à tous qu’il était le maître. Parmi les officiers observateurs, Swen Meltburg voyait en Joseff bien plus qu’un pauvre homme qui se raccrochait à l’idéal militaire. Il n’oubliait pas que c’était grâce à lui qu’il avait pu faire son entrée à la Cour, lorsqu’il était rentré de son lointain exil.

Joseff Rodörfy était idiot, brutal, malodorant, mais finalement habité de cette bonté cachée par une rage affichée, et qui ne se méritait que difficilement.

Manque de chance pour le lieutenant, il ne l’avait pas mérité.

-T’vas m’faire l’plaisir de te remuer le fondement ! C’est pas vrai ça ! J’sors à peine de ces foutus sout’rains, on s’est ramassé de la caillasse, on a passé ch’ais pas combien d’temps à tout réparer, et toi ! Toi, p’tit con, t’es vautré là ?! continua-t-il d’hurler, tellement penché sur le sous-officier que celui-ci ne pouvait se relever.
-Mais… mon capitaine… je…
-Mais ****, c’est pas vrai ! J’ai dit t’remuer !

La puissante main vint attraper le col du malheureux lieutenant, avant de l’envoyer valdinguer contre un petit groupe de soldat qui ne savait pas vraiment quoi faire en pareille circonstance, pourtant habituelle. Curieusement, lorsque leur supérieur vint s’écraser devant eux, ils s’écartèrent. On ne considérait pourtant pas dans le Stirland que les pavés constituaient un repas de choix.

-Vous autres ! ‘en êtes où ?! M’avez monté toutes les caisses de boustifaille ?!

Une seconde d’hésitation, plusieurs regards, et celui des soldats qui savait le mieux s’exprimer fut expulsé du groupe, manquant de trébucher sur le lieutenant.

-Monsieur, euh… oui, il ne reste plus que quelques caisses… fit-il timidement.
-Combien ?! répliqua le capitaine, montrant par là qu’il ne faisait que chercher une raison pour « s’mettre en rogne vénère ».
-Une dizaine, monsieur !
-‘avez dix minutes ! Dans dix minutes, j’veux vous voir sur l’chemin d’ronde !
-Pour… ?
-Eh, duschnock, t’as pas l’impression qu’y’a des flèches à planter ? Et d’autres trucs à mettre ?!
-Les… flèches à planter… ?
-T’as vu des carquois, connard ?! Non, alors, vous me prenez les flèches, et vous les planter !
-Mais… mon capitaine, y’a pas d’terre sur l’chemin d’ronde, glissa un courageux soldat.
-Alors vous les poser ! Merde à la fin ! Et vous m’réveillez c’lui là ! ordonna Rodörfy en désignant le lieutenant qui était toujours ventre à terre. Et vous vous démerdez, merde à la fin ! Vous vous sortez l’doigts du dersch, et vous mettez tout ça en place ! Inspect… contrôle dans vingt minutes !

Sur quoi, le capitaine remonta l’escalier tout aussi bruyamment qu’il en était descendu, grognant à chaque marche et lançant des regards noirs à quiconque croisait son chemin.

C’était ça, la méthode Rodörfy.


Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 688d7d4284534a6ac3aa55b8ec71cc96
Les armoiries militaires du Grand Comté du Stirland



Et comme c’était la sienne, il ne fallait pas s’attendre à la voir pratiquée par d’autres.

Le capitaine Klemens zu Hochschleswigl était un homme des plus singuliers. D’une stature avantageuse, il ne manquait jamais de faire état tant de sa beauté que de ses aptitudes aussi bien martiales que stratégiques. C’était un bel aristocrate du Stirland, au « sang pur » et poursuivi par mille créanciers. Entre deux campagnes militaires, il faisait une halte dans l’une des capitales de l’Empire afin d’y séduire une riche héritière, repoussant encore un peu l’échéance fatale où ses dettes finiraient pas le couler définitivement. C’était un homme d’une beauté rare. Si grand et mince qu’il était, il conservait des bras puissants et avait plusieurs fois prouvé qu’il savait courir presque aussi vite qu’un cheval lancé au galop. Toujours vêtu selon la mode d’Altdorf, on lui donnait des accents efféminés. Chaque jour, c’était une nouvelle boucle d’oreille qu’il se plaisait à assortir avec sa tenue. C’était une préoccupation obsessionnelle. Tout le monde savait qu’il avait voulu obtenir le grade de lieutenant de marine au sein de la Patrouille Fluviale du Stir uniquement pour pouvoir rajouter au vert et au jaune la couleur du Reikland. S’il réussit la chose avec brio, il n’en demeurait pas moins très sensible au mal de mer, y compris en eau douce. De toute façon, Klemens n’avait jamais imaginé demeurer très longtemps sur une caravelle. Il y avait des avantages, ça oui. Déjà, il était plus difficile pour ses banquiers de le poursuivre. Mais il y avait un inconvénient à ce point majeur que la carrière classique et pourtant laborieuse devenait un paradis de plaisir et de jouissance. Comme il n’y avait pratiquement aucun camp militaire dans le Grand Comté, la troupe logeait constamment parmi la populace. L’intérêt économique était évident. Déjà, il n’y avait pas à endurer les frais accompagnant l’entretien d’une pareille structure, mais mieux encore, les soldes des soldats et des officiers revenaient à l’État, et ce par le biais du fabuleux système fiscal établi des siècles auparavant dont l’assiette prenait en compte les revenus des bordels et des maisons closes. En soit, zu Hochschleswigl pouvait presque prétendre à un devoir civique.

Devoir qu’il accomplissait justement.

Dans l’une de ces bâtisses misérables dont le Stirland avait le secret, il passait du bon temps. Chevauchant cette fois-ci une brunette dont il avait oublié le nom sitôt qu’il l’eut entendu, il s’appliquait à faire travailler son bassin. Entre deux rythmes, son regard se portait soit sur sa coupe de vin, soit sur les murs et les quelques meubles du taudis. De la paille sur un plancher moisi, des rideaux en guenilles, des briques poreuses, et un froid tel que la chose était bien nécessaire. Sans faire attention aux gémissements et parfois aux plaintes de la jeune fille, qui ne devait pas être bien âgée, Klemens embrassait plusieurs activités à la fois. Insomniaque comme il était, il avait non seulement du temps à écouler, mais également un désir inassouvi d’action. Il ne pouvait pas rester sans rien faire. D’un teint livide, il concurrençait bien Rodörfy quant au tabac et à la boisson, mais le surclassait carrément en matière de sexe. Certes, cela entraînait parfois quelques accidents fâcheux. Combien de fois n’alla-t-il pas aborder une charmante damoiselle qui tenait précisément un de ses nombreux bâtards ? Assurément, aux banquiers s’ajoutaient ainsi familles et… « investisseurs ». Klemens était connu. Sa réputation s’étendait jusqu’à Praag, et un de ses amis avait même entendu parler de lui à Bordeleaux. Des clients comme lui, les « gagneuses » n’en voyaient pas tous les jours. C’était un amant exceptionnel. Ça, on pouvait le lui accorder. D’ailleurs, il mettait un point d’honneur à en finir seulement sa location épuisée. Officier qu’il était, zu Hochschleswigl n’était pas idiot. Pour fuir, mieux valait ralentir. Tout était bon pour lui, du tant que cela le faisait tenir. Il jouissait déjà de formidables aptitudes, qu’il renforçait par son intérêt exagéré pour toute chose qui aiguisait sa curiosité, et n’hésitait pas à noter l’exercice pendant celui-ci : « Frigide, à dû s’y prendre à trois fois », « Il me faut la dresser, elle me la mordu », « Humide, j’ai été bon », ou encore « Odeur de poulet rime avec prend ton pied ».

Charismatique, rusé, narcissique, clairvoyant, Klemens zu Hochschleswigl était un des officiers préférés d’Anton Ludenhof. Ses habitudes l’empêchaient d’être affiché en public alors que le gouvernement du comte se faisait le défenseur de la veuve et de l’orphelin, le tout en fixant des quotas précis aux contrôleurs des impôts, mais le commandant suprême retrouvait chez lui les mêmes qualités que chez Rodörfy, sans les défauts notoires. Respecté par ses hommes, presque adulé, il faisait du très bon travail. Touche à tout, il avait des avis pertinents sur chaque matière militaire. Dans telle situation, il savait quelle arme était la plus appropriée, quelle formation adopter, ou encore quelle calibre d’artillerie il fallait utiliser.

Et en parlant de calibre, il ne se sous-estimait pas.

-Monsieur… ! gémit la jeune fille. R’lentissez !
-Moui… ? Ah. Oui, j’ai presque fini. « Les Talabeclanders débarquent ».

Écrivant ce commentaire dans son petit carnet, il fut dérangé dans l’accomplissement de sa tâche. Quelqu’un frappait à la porte.

-Oui, qu’y a-t-il ? demanda Klemens en continuant d’aller et venir.
-Ouuuh…
-Monsieur le capitaine !
-Oui ?
-Ouiiiiii… !
-On vous fait mander !
-Aaaaaaah ! Oui, oui, oui !
-Et qui ça ?
-Oui ! Allez !
-Le lieutenant von Kröneld, mon capitaine !
-Alleeeeeeez !
-Á propos de ?
-Vas-y !
-Il a rassemblé le contingent !
-Eh ho, je parle là, tu permets ? C’est à quel sujet ?
-Le contingent est rassemblé monsieur !
-Ho, ho, ho, ho…
-Je finis le boulot, et j’arrive pour l’inspection !
-J’vous attends là mon capitaine ?
-Oh p’tain… Die Kühe !
-J’en ai encore pour une bonne vingtaine de minutes, là !
-Wahs ?!
-Ah oui, quand même ! Bon, eh bien, j’vais pas vous déranger plus que ça, capitaine !
-Non, non ! Pensez donc !
-J’transmets un ordre, monsieur ?
-Hmmm… le commandant… Ah ! Prends donc !
-Ah !
-Pardon ?
-Oui, le commandant su… prême ! Il a demandé qu’on mette en place des bûchers !
-Des bûchers ?
-Ex… act !
-Ooooooh… !
-Mais où on va trouver l’bois pour ça ?
-Parlez-en à Kröneld, il est déjà au cour… ant ! Haha ! Moins la fière là ?!
-Oh… Oh.
-Oui, j’ai envoyé un aide de camp tout à l’heure !
-Ah, bon, ben, j’vais voir ça alors !
-C’est ça mon brave ! Faîtes donc !
-Rhaaaaa… !
-Mes respects mon capitaine !
-Ah ! Question ! Ne partez pas encore ! Vous avez froid ou pas ?
-Euuuuh… c'est-à-dire qu’j’ai toujours plus ou moins froid mon capitaine…
-Bon ben, dans vingt, vingt-cinq minutes, la place sera chaude !
-Oh !
-Ah ! Très généreux d’vot part, monsieur l’capitaine !
-Allons, all… ons ! Vous faîtes un travail formidable ! Continuez comme ça mon brave !
-Merci mon capitaine ! Mes respects !
-Á toute à l’heure ! Bon, et toi, tu crois que je vais tout faire tout seul ? On change de position.

C’était également… une méthode. Celle de Klemens zu Hochschleswigl.


Anton, qui peut écrire ça en écoutant "The Bonnie Blue Flag" ou "The Battle Hymn of the Republic" Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 3397943904

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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeJeu 24 Nov 2011 - 22:08

Je n'ai pas eu le temps de tout lire mais c'est génial. Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 3397943904

Continue !
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MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeMar 14 Mai 2013 - 16:11

Bonjour à tous !

Eh oui, j’ai décidé de reprendre la suite du récit, après une pause. Une bonne pause, oui ! (plus d'un an !)

Citation :
Le Stirmarshall, Anton Ludenhof, se tient à Leicheberg, forteresse solide, mais délabrée, de la province orientale. La Sylvanie s’apprête à déverser sur les murailles de la citadelle, et il doit composer avec une armée dépitée et mal équipée, au milieu de civils effrayés et désemparés.
Pour se faire, le Commandant Suprême ne peut compter que sur son état-major, et tout particulièrement sur son second, Swen Meltburg, jeune Main du Prince, valeureux, mais encore loin d’être en mesure de l’égaler. Peut-il également composer avec Joseff Rodorfy, le patibulaire capitaine ou encore Klemens zu Hoschleswigl, officier aussi efféminée que lubrique ?

C’est un défi que le Stirland relève.


Dans les couloirs sombres et humides des souterrains de Leicheberg, quelques soldats s’avançaient. Leurs torches agrandissaient les ombres, faisant reculer pour un temps la vermine, et donnant un nouveau jour à la pourriture des sols et des murs. Au son de leurs bottes ferrées, du clinquement des armes, des armures, et des chaînes, s’ajoutait celui des gouttes, venant de quelques latrines situées plus haut, chacune d’elles venant se rajouter à la mare. Une odeur nauséabonde flottait tel un brouillard. La pierre était froide, usée, solide. Deux hommes peinaient à se tenir côte à côte dans l’étroitesse de ces corridors.

On entendait les échos de cris d’agonie.

Ces hommes portaient la livrée des soldats de Waldenhof. Leurs uniformes les distinguaient nettement des autres. De sombres pourpoints aux crevés mauves, ils portaient des atours sinistres. Des crânes, oui, en médaillons et en babioles, mais tout autant en os. Des parchemins déchirés et fixés par de la cire à cacheter. Depuis combien de temps le sceau de Sigmar avait-il écrasé cette chaleur sur des armures aussi froides que les âmes de ces hommes ?

Aloïs von Rinauer ne s’en souvenait plus. Il les avait menés dans les contrées les plus sordides de tout l’Empire. La Drakwald, les Monts du Milieu, le Siège de Middenheim, le Pays des Trolls… la Sylvanie ne représentait à leurs yeux qu’un camp d’entraînement, tout au plus.

Ce n’était pas un officier. C’était bien plus que cela. C’était un meneur. Il n’était peut-être pas bien grand, mais aussi fort qu’un Bretonnien, des bras puissants qui se plaisaient à manier la rapière avec la férocité d’une flamberge. La longue cape écarlate qu’il portait indiquait qu’il avait fait partie de ce corps d’élite exceptionnelle, la garde du Comte Electeur. Que s’était-il passé, entre la marche triomphante des halls dorés des palais de Wurtbad, jusqu’à ce visage creusé, blafard que la fine barbe entourant ses lèvres scellés peinait à y apporter une nuance. De son seul œil valide, un regard noir s’adressait à tout ceux qui se dresser devant lui.
Ils avançaient. Lui et les quelques hommes qu’il avait choisi parmi son régiment, cinq braves parmi les braves. Mais pas tellement plus braves. Des soldats de Waldenhof.

La marche s’arrêta devant une immense porte. Derrière elle, le couloir aux cachots.

Des dizaines de cellules, de part et d’autres. Ce n’était pas d’ici que provenaient les cris de souffrance, on n’y entendait là que des plaintes et des gémissements. Aloïs, sans ralentir sa marche, aperçut des figures familières.
La mère et ses petits, ceux qu’il avait envoyé la veille dans cet enfer. Il leur fit un clin d’œil.

Le geôlier, un homme sale, gras et à la voix couinante vint à lui, refermant derrière lui une grille.

-Monsieur viendrait-il inspecter moune travail ? Ghinur pour vous servouir.
-Je vous regarde et je le juge.
-Et qu’en est-il dès lours ?
-Vous excellez dans vos fonctions.
-Alors que pouis-je ?
-Conduisez nous vers cet éclaireur.
-Louiquel ?

Un des hommes vint poser avec force sa main sur l’épaule du geôlier.

-Mon capitaine ne se répète pas. Avance avant que ma lame ne te retire la protubérance que tu traînes.
-Oooh ?
-Je n’aurais pas mieux dit, Tërnberg. Vous l’avez entendu ?
-Je vouis y condouis.

Parcourant ce couloir parsemé de mains mendiantes, Aloïs perçut un autre homme, portant la même armure de geôlier que leur guide. Il bloquait entre deux murs un corps, affaibli, malade, nu. Les coups de bassins qu’il donnait en ricanant ne donnèrent qu’une image à von Rinauer : Hoschleswigl.

A peine eut-il pensé à cet autre capitaine que le boudiné gardien s’arrêta devant une grille, et se dépêcha de l’ouvrir sous le regard insistant de Tërnberg.

Plusieurs hommes se trouvaient là, étendus sur le sol, mangeant la paille moisie, léchant l’humidité des pierres. Un ou deux enfants aussi. Et installé confortablement, plaqué et attaché à un mur glacial, Markus Lied, inconscient. Les soldats de Waldenhof repoussèrent Ghinur, et s’imposèrent autour de leur supérieur, sans merci pour les corps allongés.

-Il est là depuis combien de temps ? demanda Aloïs, sans regarder celui qui les avait conduit ici.
-Oh, depouis jouste quelques heures. On l’a mouis ici pour savoir ce qu’il savait…
-Tërnberg, va dire à ce pachyderme que mes questions n’attendent qu’une réponse attendue. Pas de commentaires superflus.
-‘vos ordres, capitaine.

Couinant de peur de l’autre côté de la grille, le geôlier regarda frénétiquement aussi bien l’officier que le soldat qui s’avançait vers lui. Puis, trop effrayé, il se mit à fuir, à se traîner.

-Il ne court pas bien vite.
-Alors tu devrais en avoir vite fini.
-Combien en désirez-vous ?
-Comme à ton habitude.
-Alors va pour trois.

Trois doigts. De préférence, le majeur, l’auriculaire et l’index de la main droite. Mais comme le geôlier avait ouvert les cellules de la main gauche, il y aurait une exception.

Aloïs fit signe à l’un de ses épéistes de réveiller l’éclaireur. La gifle d’une main gantée de mailles avait de quoi tirer de la torpeur n’importe quel esprit, pourtant bien décidé à demeurer dans le calme relatif de ses songes.

Lied poussa un cri de colère, puis de peur en voyant ces soldats. Ils savaient que la dernière fois qu’il avait vu un uniforme, il avait beaucoup souffert.

-Bien dormi, Lied ?
-Mais… mais ! Pourquoi suis-je ici ?!
-Tu devrais commencer à le savoir. On m’a fait comprendre que tu étais là depuis quelques temps, n’est-ce pas ?

On entendit Tërnberg. « Et de un ! », suivi de supplications et de signes manifestes de douleurs.

-J’en sais rien… j’en sais rien…
-Tu es ici car on a lu ton rapport. On ne peut plus préoccupant. Tu en conviendras ?

« Et de deux ! »

Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 037a05d95aeb398859cd9380512c86c5
Aloïs von Rinauer, capitaine des régiments de Waldenhof et de Marburg

-J’ai rien écrit… du tout… !
-Non, ça, on l’a fait pour toi. Mais tu as quand même déclaré quelques éléments ? ‘propos de Neuheim et de ton collègue ?
-Fritz… il s’en est sorti ?
-Je n’en ai aucune idée. Si tu réponds correctement, je te permettrais sûrement d’aller le voir, s’il est là. Alors, alors… continua Aloïs en se rapprochant. Oh, le travail a déjà été commencé on dirait.
Les bras de Lied étaient entaillés de toutes parts, son buste avait des traces de brûlures et ses jambes étaient recouvertes d’hématomes. C’était de la torture barbare. Sans complexité, et d’une efficacité douteuse.

-Bien, bien, bien… fit von Rinauer en tapotant dans ses mains. Par quoi allons-nous commencer ?
-Commencer quoi ?!
-Tu ne me réponds pas, laisse moi rétorquer, non ?
-Welche Fragge ? Vous ne m’avez pas posé de question !
-Oui… Et en fait ce n’est pas nécessaire. Je suis là pour m’assurer personnellement de la véracité de tes dires. Dossier, ordonna le capitaine à l’égard d’un de ses hommes.

Les quelques feuilles en main, Aloïs se mit à le parcourir.

-Messieurs, ne restaient pas plantés là. On ne va pas s’y prendre à main nu.
-Je peux vous faire une suggestion mon capitaine ?

« Et de trois ! »

-Fais donc.

Le soldat agrippa par le col la tunique en lambeaux d’une jeune fille. Se débattant, il lui mit une claque, avant d’en découper le tissu de sa dague. Repoussant la gamine, l’épéiste de Waldenhof retira sa genouillère, puis l’enroula du vêtement.

-Permettez ?
-Fais, fais.

Faisant tournoyer un moment son terrible outil, il se mit à sourire.
-Zum, zum, zum, fit-il en accompagnant son instrument, devant les yeux effrayés de Lied.

Le soldat donna soudain un coup sec dans le ventre de l’éclaireur.
Son hurlement fit reculer tous les prisonniers présents dans la cellule, sans faire ne serait-ce que sourciller les hommes de Waldenhof.

-Ingénieux. C’est fou ce que le ventre permet de faire. Tendre, mou, et sensible. Petrach, tu seras récompensé.
-Mon capitaine…
-Et quant à nous, Lied. Commençons.

Aloïs fit suivre de son index les lignes du rapport.
-Tu réponds oui ou non, et tu dis ensuite je confirme ou je ne confirme pas. C’est compris ?
-Ensuite… mais après quoi ?

Petrach vint apporter la douloureuse réponse.

-Tu indiques un nombre de quinze mille lances ?
-… oui !
-Petrach ?
-Oui, mon capitaine.

Le signal de la confirmation s’abattit de nouveau.

-Je… je ne confirme… pas… !
-Ah ? Explique-toi.
-On a pas tout vu. Je leur ai dit, je leur ai dit ! On a vu quinze mille lances, mais… on a pas vu le reste !
-Donc, tu ne confirmes pas ?
-Non.
-Ah, tu confirmes ?
-Non, je ne confirme pas.
-Je n’aime pas avoir à répéter, mes mots comme ceux des autres. Petrach…
-‘tout de suite.

Celui-ci n’attendait pas de confirmation.

-Continuons. Tu dis qu’ils auraient passé Neuheim ?
-Oui… oui… ! Gnade… je vous en prie !
-La procédure, la procédure. Petrach, je te prie.
-Je confirme ! Je confirme ! répondit Lied en hurlant et en se débattant.
-C’est du solide, ça tient bien, constata Aloïs en inspectant les attaches. Un sacré travail Ghinur !
-Je suis sûr qu’ils vous en sera reconnaissant, mon capitaine, ajouta Tërnberg, les rejoignant et rangeant sa dague ensanglantée.
-Oui, avec un pouce et un annulaire, on peut toujours pincer un nez.
-Plutôt utile dans cet endroit… poursuivons. Tu ne fais pas mention de l’état des cadavres. Tu peux préciser ?
-… ils… ils n’étaient pas tous en décompo… en décomposition…
-Ah, je crois que notre ami Markus a voulu triché, il n’a pas respecté les règles du jeu ; dois-je me répéter ?
-Quand le capitaine te pose une question, tu réponds oui ou non, et ensuite, tu confirmes, t’entends ?! lança Petrach avant de remplir son office.
-Je t’autorise cependant à développer ta première réponse.
-Y’avait des corps… intacts. Seulement… morts…

Aloïs fixa son regard sur quelque moisissure du mur. Il savait ce que Lied peinait à dire, et c’était la raison de sa venue. Classiquement, il savait qu’un cadavre réanimé était porteur d’une peste qui s’infectait par morsure, par griffure, ou par tout contact. Les victimes finissaient toujours par devenir comme leurs agresseurs. Mais là, c’était tout à fait différent. Si des corps étaient « intacts », cela ne pouvait signifier qu’une chose : pire que les légions des morts, une sombre magie était à l’œuvre. Non, pas une nécromancie. Quelque chose de plus dangereux encore. La nécromancie ne pouvait s’emparer ainsi des âmes mortelles, elle ne pouvait adhérer que sur des corps vidés de leurs résistances mentales.

-Mon capitaine ?
-Hum ?
-Tout va bien ?
-Dans ton rapport Lied, tu ne précises pas le nombre d’engins de sièges.
-Oui.
-Confirmation ?
-Non ! Non !
-Ah ?
-Nous n’avons pas pu nous rapprocher au point d’en voir ! Arrêtez, je vous en supplie !
-Plutôt insuffisant comme réponse ?
-Surtout totalement hors procédure.
-Mais… ! Ich fickhe euch in denn arhs ! Je suis un soldat du Stirland ! Vous ne pouvez pas vous en prendre à moi ainsi !

Von Rinauer se rapprocha alors de Markus Lied, jusqu’à prendre son visage dans la main droite, et à le fixer de son dernier œil.

-Comment voulez-vous… des précisions sur de telles estimations… ‘war zu dünkel… !
-Tu me dis qu’on ne peut exiger de toi aucune précision ?
-Sie wissen schon
- « Na ja ». « Es klar ». Mais dis moi alors, sag mir, si l’on ne peut avoir de précisions de la part d’un éclaireur, c’est que cet éclaireur a mal fait son travail… n’est-ce pas ?
-Terminez-en.
-Oh, ne joue pas les durs. Tu vas chouiner. Nous sommes en guerre face à une chose dont on ne sait presque rien, et toi, et ton pote, vous êtes les seuls à être revenus avec des informations. Manque de bol pour toi, tu es le seul que l’on peut interroger. Le temps presse, tu nous excuseras nos manières, glissa Aloïs dans un sourire narquois, tout en caressant le visage meurtri de Lied.
-I’ch hab’ ‘les gesagt
-Il ne reste plus qu’à s’assurer, encore un peu, de la véracité des tes propos. Petrach ?

L’épéiste se rapprocha.

-Zum, zum, mon capitaine ?
-Zum, zum, Petrach.

Il n’eut pas le temps de finir de faire tourner son instrument de torture que la porte des cachots s’ouvrit avec force.

-C’est qu’c’est pas de la mouisaille de ferraille c’te porte !

Aloïs fit signe à Tërnberg d’aller voir.

-Steinbrück, pour l’amour du ciel, taisez vous. Vous connaissez sa cellule ?
-Huuuum, huuuum !
-Rha, ça va ! Parlez !
-Une sur la droite. Monsieur Meltburg, elle est ouverte !
-De ?!

Von Rinauer serra avec force son poing. L’officier qui s’approchait était l’archétype des gradés qu’il haïssait dans l’armée du Stirland. Bourgeois au sang impur, plus compatissants que pragmatiques, c’étaient de véritables loques.

Il donna l’ordre à Petrach de cacher son outil. Pour le moment.

-Capitaine von Rinauer ?
-Mein Fürst ! lança Aloïs, baissant la tête mécaniquement, à l’instar de ses hommes.
-Mais que faîtes vous ici ?
-Très certainement la même chose que vous, Main du Prince, mais je suis surpris de vous voir en pareil endroit.
-Vous êtes venu interroger… Markus Lied ? soupçonna Swen, jetant un regard sur les soldats.
-Nous discutions, répondit Aloïs, fixant froidement Meltburg.
-C’est lui ? demanda-t-il, désignant l’homme attaché.
-C’est moi, mein Fürst…

Tërnberg donna un coup sec dans le bassin de l’éclaireur.

-On t’a invité à parler ?
-Soldat ! Vous frappez un de vos camarades ?! s’énerva Meltburg, commençant à sentir la colère monté, en voyant la misère de cette cellule.
-Hum, mein Fürst… vous ne donneriez pas un ordre à l’un de mes hommes… ? répliqua Aloïs, défiant Swen du regard.
-Détachez-le. Et partez.
-Nous n’avons pas fini avec lui.
-C’est vrai, il vous reste à la détacher. Dois-je me répéter, capitaine ? demanda la Main du Prince, à la stupéfaction de Steinbrück.

Von Rinauer se mit à trembler de rage. Avant d’ajouter sèchement :
-Petrach !
-Mon capitaine.

Et celui qui lui avait causait tant de souffrances libéra l’éclaireur.

-Maintenant, quittez les lieux.
-Il est tout à vous, mein Fürst. Mes respects.

Aloïs ordonna à ses hommes de le suivre, et ils quittèrent la cellule.

-‘risque de ne pas l’oublier…
-Il ne me portait déjà guère dans son cœur, je vous ai connu plus observateur, Steinbrück. Aidez Lied à marcher, nous allons discuter dans un endroit meilleur.

Marchant sous la colère, von Rinauer remonta tout le corridor des cellules, suivi de près par les siens. Dans un recoin, Ghinur, pleurnichant la perte de ses doigts.

-Lève-toi.
-Poutié…
-Lève-toi, j’ai dit. Ouvre cette grille.

Le geôlier s’exécuta, péniblement et douloureusement. Il se retourna vers l’officier, et celui-ci le poussa parmi les prisonniers en guenilles et avides de vengeance. Un clou, il y avait un vieux clou enfoncé dans le mur séparant les deux cellules. Aloïs l’arracha.

-Fredrich.
-A vos ordres.

Le soldat referma la grille, sous les couinements de Ghinur.

-Dis-toi que tu peux encore te pincer le nez, fit Aloïs en lançant dans le cachot le clou.

Nul doute que les prisonniers sauraient en faire bon usage.

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Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Empty
MessageSujet: Re: Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?)   Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) Icon_minitimeVen 17 Mai 2013 - 12:15

Leicheberg n’était pas réputée pour ses places, ses squares, ses faubourgs. Pourtant, la citadelle en avait, elle en avait stratégiquement plus d’un. Véritables points de rassemblements, c’était là les rares endroits où l’ordre pouvait espérer reprendre le dessus sur les ruelles éparses et mal fréquentées.

Autrefois, des marchés et des foires s’y rendaient. Mais cela remontait à des âges si anciens que l’on pouvait sérieusement douté de la véracité du mythe. Pavés brisés, arbres abandonnés, chaussée délaissée, ces places n’étaient plus désormais que des endroits, architecturalement détestables, militairement appréciables. Enfin, selon les critères du Stirland.

Soldats et civils savaient bien qu’ils n’avaient que peu de temps. Tout le monde s’activait. Sauf les paysans et citadins du moment, forcés à libérer leurs bâtisses pour la troupe. Obligés de se rassembler sur ces places, aux yeux de tous, leurs bagages faits à la hâte, c’étaient des familles entières qui attendaient. Pas tout à fait entières, non. Les hommes étaient partis, pas très loin, mais suffisamment pour laisser leurs familles dans le désarroi et le dénuement.

Femmes, enfants, vieillards, des charges pour l’armée. Nombre d’officiers auraient préféré tout simplement s’en débarrasser. Anton Ludenhof n’était pas de ceux-là. Il était évident qu’ils constituaient un moyen de pression idéal pour maintenir l’ordre parmi les enrôlés de force. Mais il n’avait pas le temps de s’en occuper. Alors il délégua cette tâche à son second, le porteur de l’honorifique titre de Fürst. Toutefois, même Swen Meltburg ne pouvait s’acquitter d’une pareille obligation. Non qu’il n’en était pas préoccupé, loin de là, mais son honneur et sa morale avaient appris à faire des concessions, selon le sacro-saint principe des priorités. La défense de la citadelle était celle-ci. C’était terrible pour lui de l’admettre, mais les civils devaient passer après.

Cependant, à la manière de son mentor, s’il se reconnaissait incapable d’obtenir quelque chose qui lui tenait à cœur, il lui suffisait d’en confier la responsabilité à une personne en mesure d’y parvenir. Ou tout du moins, une personne de confiance. Les deux étaient plutôt rares dans l’armée du Grand Comté.

Ehrwig Kraemer semblait être une des rares exceptions. Jeune capitaine sortie de la très critiquée académie militaire de Wurtbad, il s’était retrouvé dès le début des opérations à la tête de deux régiments. Mille hommes. C’était beaucoup. C’était même trop pour ses épaules.

Le Stirmarshall avait ses raisons. La famille Kraemer, de riches aristocrates originaires du Stirland, mais installés à Nuln, prenait une part certaine dans le financement des armées. Il ne demandait en échange qu’une place de choix pour leur fils. Mais Ludenhof n’était pas seulement intéressé par l’argent. Bon, il aurait été un mensonge de dire que c’eut n’été pas la raison principale. C’était que ce jeune capitaine semblait prometteur. Certes, parfaitement inexpérimenté, mais il avait eu d’excellents résultats, et le Stirmarshall accordait beaucoup de crédit à l’enseignement académique de Wurtbad. Preuve en était qu’il en avait été lui-même élève, tout comme il l’avait été pour un temps à Averheim et à Altdorf. Non, cette académie les valait. En tout cas, elle n’était pas si mauvaise. Pas autant qu’on le disait dans les salons mondains.

Il y avait quelque chose en cet Ehrwig qui lui rappelait Meltburg, plus jeune. C’était un très bon exercice pour ce dernier que d’avoir à encadrer un officier. Très formateur, Anton savait de quoi il parlait.

Et c’était ainsi à ce pauvre adolescent de seize ans que l’on avait confié la difficile tâche d’organiser le réaménagement des civils. Des jours et des jours qu’il y était dessus, ses yeux faisant sans cesse le va et viens entre les colonnes de chiffres. Le nombre de places disponibles était nettement inférieur aux demandes.

Le pire, c’était que pendant ce temps, il délaissait ses troupes.

-Monsieur Szern, combien y en a-t-il ?

Trop. Inutile d’avoir le compte de son second pour savoir qu’il y avait beaucoup de trop de civils rassemblés devant lui.

-Cinquante-six, monsieur. Mais je crois que ce petit ferait un bon joueur de fifre.
-De fifre ? Vous croyez qu’on a le temps pour le former au solfège ?
-Alors comme estafette.
-Va pour une estafette. Ça en fera toujours cinquante-cinq, lâcha Ehrwig, désemparé.

Kraemer était un bel adolescent. Grand, mince, blond, fin duvet sur le menton, un prince charmant. Mais qui était aussi vierge qu’un chérubin. Trop pur. Et la souillure avait du mal à prendre.
Gerard Szern était un bon second. Bien plus âgé que son supérieur, c’était un ancien sergent-instructeur, respecté, apprécié, mais qui avait un sérieux problème avec l’alcool. Une histoire avec ses filles, à ce que l’on racontait. Quoiqu’il en était réellement, cela lui coûta ses prérogatives, et fut relégué à l’assistance. Cela aurait pu être pire, Kraemer n’étant pas vraiment le genre à lui imposer quoique ce soit.

Le siège de Leicheberg (un peu de Stirland ? ça vous dit ?) 17.30
Ehrwig Kraemer.

Szern fit signe à l’un des hommes d’aller chercher l’enfant. Dommage qu’il ne fut pas un peu moins brusque, les adieux avec sa mère furent déchirants. Ehrwig détourna le regard. Cette statue de Freya. La guerrière-reine des Asoborns admettrait-elle que l’art de la guerre soit devenu aussi cruel ? Ou est-ce que cela en fut toujours ainsi ?

-Mon capitaine, les foyers sont pleins. Le moindre incendie causera des ravages, et vous savez…
-Je sais que cela arrivera. Vous me l’avez suffisamment dit, ça va… répondit Kraemer, les yeux en larmes.
-Et il reste encore six quartiers à évacuer.
-Six ! Mais nous n’avons pas tant d’hommes à faire loger, où ont-ils dormi à leur arrivée ?
-Ordre du Stirmarshall, les familles doivent être éloignées des zones de combat.
-C’est un homme bon. Mais connaît-il notre désarroi ?
-Pour cela qu’il vous a confié cette tâche, monsieur, glissa Gerard en souriant, essayant de remonter le moral du capitaine.

Il avait bu. Cela se sentait.

-Où allons-nous les conduire ?
-Il reste une vingtaine de places dans le kinderheim, monsieur.
-Autant de taudis.
-Monsieur… je ne voudrais pas vous presser, mais vous devez agir. Les civils attendent depuis des heures, et vous savez que cela peut dégénérer, conseilla Szern, guettant la réaction des familles.

Ehrwig ne répondit pas. Cette mère. Cette mère qui pleurait et implorait le ciel qu’on lui rende son enfant. Bien sûr que c’était la meilleure chose à faire. Des cas de maladies avaient été détectés. Mieux valait combattre que croupir. Mais que c’était difficile.

-Ça ne peut plus continuer ainsi.
-Vous proposez quoi ?

Kraemer ne put que faire la moue. Tournant le dos à la place, son regard se leva vers le donjon. Puis, sur les maisons abandonnées des aristocrates ayant fui.

-Je prends sur moi. Conduisez les là haut, rendez l’enfant à sa mère, ordonna Ehrwig, le sourire aux lèvres.
-Mais… monsieur, vous êtes sûr… ? demanda Szern, en chuchotant.
-Nous avons des ordres. Eloignez les civils, les mettre en sécurité ; ces bâtisses, grandes et, je l’espère, en relatif bon état, sont notre seule alternative. Faîtes ce que je vous commande, je vous prie, monsieur Szern, conclut Ehrwig en faisant signe au soldat de ramener le garçon.
-Comme vous le souhaitez, monsieur.

Il n’était pas certain qu’Ehrwig aurait le soutien de sa hiérarchie. Meltburg le comprendrait sûrement, mais il suffisait que Ludenhof soit mécontent pour que tout l’état-major devienne comme enragé. Mieux valait prendre les devants.

-Streunter, approchez je vous prie.

Streunter était l’ordonnance des régiments placés sous le commandement de Kraemer. Un binoclard qui adorait le goût du papier. Ehrwig le soupçonnait d’en manger.

-Monsieur ?
-Voulez-vous prendre une note ?
-A l’intention de… ? demanda Streunter, ajustant ses lunettes.
-Au Stirmarshall.

Une fois que ce fut fait, Ehrwig se mit à l’écart. S’asseyant sur quelques ruines, il caressa le médaillon qu’il ne quittait jamais. L’ouvrant, Kraemer sourit à l’image de sa tendre Sofia, sa cousine, dont il était le chanceux fiancé. Ils s’aimaient sincèrement, mais Ehrwig savait qu’il avait un rang à tenir, et même s’il avait vite déchanté, il savait qu’il accomplissait son devoir.

Une goutte. Puis, deux.

-Je crois qu’il commence à pleuvoir, monsieur le capitaine, fit Szern en regardant le ciel.

Ehrwig resta figé. Sur la paume de sa main, une tache noire. Une autre. Et une autre.

Les cieux se mirent à cracher sur Leicheberg. Une eau noire s’abattit sur la citadelle, pressant plus encore les hommes et les femmes à se dépêcher.

-Mettez les civils à l’abri ! ordonna Ehrwig. Szern !
-Oui, mon capitaine ?
-Envoyez toutes les familles restantes dans les maisons nobles, sélectionnez parmi eux des responsables, qu’ils assurent l’ordre !
-Je vais y envoyer Graber et Hermann, et vous, où allez-vous ? demanda Szern, voyant son supérieur quitter la place.
-J’ai des soldats à préparer !
-Mais mon capitaine, vous avez reçu un ordre précis : vous devez vous assurer des civils, protesta le sergent, le visage ruisselant de cette eau maudite.
-Nous sommes en guerre, Szern, je ne peux pas faillir à mon devoir !
-Mais vous n’avait pas failli, vous avez laissé la préparation de vos troupes au lieutenant Scharzheim, il fera du bon travail !
-Je suis leur capitaine, vous comprenez, Szern ?! répliqua Ehrwig, bouillonnant d’une fureur qui lui était inhabituel.
-Et un bon capitaine obéit aux ordres de ses propres supérieurs, monsieur. Vous pouvez déléguer, mais vous demeurerez responsable. Nous devons nous occuper des civils, répondit Gerard, s’interposant entre Kraemer et sa route.

L’officier s’arrêta. Conscient que Szern disait juste, il se calma.

-Bien. Envoyez ces deux là dans les quartiers, je vais accompagner ces civils jusque là-haut, vous m’y retrouvez ?
-Bien sûr. August, Teo, Leopold, vous suivez le capitaine, indiqua Szern à deux hallebardiers qui lui étaient proches. Vous avez fait le bon choix, capitaine.
-J’espère…

Kraemer se hâta de rejoindre les colonnes des civils.

-Qui dirige ici ?
-C’est… vous, mon capitaine, répondit un lancier, aidant des enfants à monter.
-Ah… bon, euh…

Ehrwig vit alors une vieille dame, peinant à monter la pente menant aux quartiers plus aisés. La chaussée était glissante, et le prochain escalier ne se trouvait pas à moins d’un quart d’heure de marche.

-Madame ! Je vais vous aider !
-Waaahs ? fit la femme, regardant d’un air méchant l’officier.
-Donnez-moi votre main, je vous prie.
-Wahs saggen Sie ?
-Votre main ! Donnez-moi votre main !
-Na, na, na !

La vieille s’éloigna, rouméguant dans son dialecte du Stirland oriental.

-Mais qu’est-ce qu’elle fiche ?! Madame ! Venez par ici !
-Gneiiiiin !
-Mais… ! Madame, je vous en prie, vous devez rejoindre les autres !

Alors qu’Ehrwig s’apprêtait à prendre de force sa main, elle se retourna et lui flanqua un coup de sa canne. Du sang se mit à couler de son nez. Cinq épéistes vinrent à eux, la main sur la garde.

-Mon capitaine ?
-Amenez cette…
-Allez les gars, foutons cette paillasse chez Ghinur ! lança le soldat, agrippant la vieille par son tricot.
-Non ! Non ! Laissez là !
-Je vous demande pardon ?
-Gniiiii !

Ehrwig poussa un soupir.

-Est-ce que l’un de vous est de la région ?
-Y’a Franz qui est de Swartzhafen.
-C’est vous Franz ?
-Gni gni gni… gni !
-Euh, oui, mon capitaine… répondit le soldat, avec un fort accent.
-Conduisez cette dame avec les autres, je crois que vous serez en mesure de communiquer. Vous autres, continuez à les aider !
-Mais… ?
-Hi hi.
-Allez, allez !
-Mais, mon capitaine !
-Quoi ?!
-Je la reconnais, c’est Bertha !
-Et ?
-C’est la cantinière du 3e de lanciers, sous les ordres d’Hoschleswigl…
-Pardon ?!
-C’est pas une civile, elle bosse avec nous !
-Mais vous étiez prêt à l’enfermer il y a un instant !
-Je connais des vieilles et des pas mûres, mon capitaine…
-Dépêchez vous alors de la raccompagner chez Hoschleswigl !
-‘vos ordres !

Kraemer poussa un second soupir. Ce ne serait pas le dernier.
Serrant son médaillon, il s’empressa de rejoindre les civils.

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