Alors que les festivités allaient bon train, Jandrom, lui, sentait curieusement que ses forces déclinaient : le brouhaha des conversations se mêlait de plus en plus dans un bourdonnement lointain, le nain sentait ses membres s'engourdir et son esprit s'embrumer.
"Jandrom ! Oh, Jandrom !"
Il perçut à peine cet appel avant de sombrer dans l'inconscient. Or, à sa stupéfaction grandissante, ses maux ne firent qu'empirer : nausées, vertiges, paralysie, toutes ces sensations l'assaillaient simultanément. Il revit en souvenir les visages inquiets des prêtresses de Valaya murmurant à son chevet, revit les visages de ses camarades manifestement contrits à l'idée de le porter sur une civière. Le discours du roi Thuringar résonna en écho dans son esprit alors que les vainqueurs du tournoi, fiers et vigoureux, recevaient leurs prix sous les acclamations de la foule. Il se vit alors dans les gradins, lui, le maestro, alité et infirme, oublié, abandonné dans ce moment de faiblesse...
"Le savais-tu... la marque de Nurgle octroie à ses élus un bonus d'endurance permanent ainsi qu'un malus pour toucher à ses ennemis..." Jandrom s'agita soudain ; son sang bouillonna dans ses veines et sa moustache se frisa d'indignation alors que, viscéralement, il reconnaissait et rejetait de toutes ses forces ces susurrements discordants. Comme approuvant de cette intégrité, d'autres voix, graves et harmonieuses, résonnèrent en lui et ce d'une telle vigueur que le nain fut brusquement retourné à la réalité.
"Jandrom ! Est-ce que ça va mieux ?"
Le maestro cligna des yeux et comprit qu'il était sur le lit de sa roulotte. A son chevet, deux naines étaient assises, sa vieille mère et Arin, une membre de la chorale qui avait toujours été aux petits soins pour lui et que tout le clan voyait déjà comme sa future. Jandrom ne se souvenait plus exactement de ce dont il avait rêvé, demeurait seule l'inexplicable sensation de l'avoir échappé belle. Il avait soif.
"Arin ? Voudrais-tu m'apporter une bière, s'il te plaît ?"
La naine hocha la tête et quitta promptement la roulotte, laissant le chef de choeur seul avec sa mère.
"Mère, veux-tu bien me passer la cornemuse, s'il te plaît ?
- Mais, Jan, tes blessures...
- Je ne forcerai pas, mère."
Marmonnant encore quelques réprobations, la vieille naine prit l'intrument reposant sur un meuble et le confia à son fils.
A peine Arin fut entrée dans la roulotte avec le précieux nectar, le chef de choeur entama une sérénade qui, dans la langue musicale connue de tous les membres du clan, laissait peu de doute quant aux intentions de celui qui la jouait. La naine frémit mais ne renversa pas une goutte de bière, un bon signe, si vous voulez mon avis, comme l'aimât à répéter plus tard la mère du maestro.
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